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Les femmes dans l’espace

Yaël NAZÉ • ynaze@uliege.be   

NASA, ©BELGAIMAGE

Si l’on examine de plus près les statistiques astronautiques, quel que soit le pays, une constante s’y retrouve : le faible nombre de femmes – 10% environ. C’est peu, très peu !  Comment expliquer une telle disparité ? 

Le 7 avril 2010, les 7 membres d’équipage de la mission STS-131 ont rejoint les 6 résidents de l’ISS.
4 femmes se sont retrouvées dans l’espace en même temps. (Crédit: NASA)

En haut de g. à dr.: Dorothy Metcalf-Lindenburger (Nasa), Naoko Yamazaki (Jaxa);
 En bas de g. à dr.: Tracy Caldwell Dyson (Nasa), Stephanie Wilson (Nasa)

 

Mais pourquoi ne pas envoyer de filles dans l’espace ? Il suffit de dire qu’elles ont des… besoins particuliers. En gros, on a ressorti les bonnes vieilles excuses. Ainsi, il aurait fallu ajouter aux vaisseaux des toilettes spécifiques, d’où coûts supplémentaires, mais aussi créer des combinaisons différentes. Et puis, bien sûr, il y a le problème mensuel. Sally Ride, première Américaine dans l’espace, raconte ainsi que des ingénieurs de la NASA, inquiets, lui ont demandé si 100 tampons, c’était suffisant pour une mission d’une semaine: elle leur a répondu gentiment que ce n’était pas le bon chiffre… Pour la même mission, les mêmes ont aussi revu les kits d’hygiène personnelle sans demander aux candidates astronautes ce qu’elles en pensaient. Résultat: pas moins de 4 compartiments pour le maquillage des yeux, plus du rouge à lèvre et du blush, mais pas de «simple» lotion hydratante (pourtant assez utile dans l’espace).

Pourtant, une place était bien envisagée pour les femmes, et pas seulement pour les calculs précis de trajectoire ou la couture minutieuse de scaphandre. Ainsi, quand on lui posait la question de l’envoi de femmes dans l’espace, Werner von Braun, père du programme spatial américain, avait l’habitude de répondre que «les astronautes sont pour et comme dit mon ami Bob Gilruth [directeur du centre NASA pour les vols habités], il y a 110 livres [soit environ 55 kilos] prévues dans les réserves pour l’équipement récréatif.» 

 

Match USA-URSS

Lors des débuts de la conquête spatiale, les 2 superpuissances se regardent en chiens de faïence sur ce sujet, mais des rumeurs circulent et les choses bougent donc un peu.

Côté soviétique, on analyse les dossiers de diverses femmes pilotes et parachutistes, y compris amatrices, et 5 sont sélectionnées. À leur arrivée à la Cité des étoiles, leurs collègues masculins ne les accueillent pas à bras ouverts, les techniciens et ingénieurs non plus. Mais leur opiniâtreté lors des tests les fait un peu changer d’avis et puis la volonté politique a le dessus: la première femme dans l’espace se doit d’être communiste. Alors l’entraînement a bien lieu et la parfaite représentante du prolétariat est trouvée: Valentina Terechkova, fille d’un héros de guerre, ouvrière dans une usine textile, jolie et surtout, bonne communiste – une «Gagarine en jupons». Elle quitte la Terre le 16 juin 1963, marquant l’histoire. Les Américains sont encore battus: une victoire démontrant l’égalité des genres chez les Soviets, une égalité si bien ancrée qu’il faudra attendre… 20 ans pour avoir une seconde cosmonaute ! En fait, sur 5 décennies (avant la mission d’Elena Serova en 2014), 19 femmes ont été entraînées pour que seulement 3 d’entre elles soient finalement autorisées à voler.

Côté américain se crée une paire: le médecin William Randolf Lovelace, qui a élaboré puis fait passer les tests pour choisir les premiers astronautes américains (1), et son ami Donald Flickinger. Ils savent que des tests ont déjà montré que les femmes supportaient mieux la douleur, la chaleur, le froid, la solitude et la monotonie. Ils décident donc de faire passer les mêmes tests à Jerrie Cobb, pilote de l’extrême et multiple recordwoman. Lovelace présente fièrement les résultats à une conférence médicale à Stockholm en août 1960, y vantant les multiples avantages des femmes pour le spatial (plus petites, plus légères, consommant moins d’oxygène et moins de nourriture… et plus résistantes à de nombreux points de vue). Ils répètent les tests sur 18 autres femmes, dont 6 échoueront (un taux d’échec bien moins élevé que pour les candidats masculins). Surnommées les «Mercury 13» (en référence au groupe des hommes Mercury Seven), les femmes ayant réussi ces tests médicaux espèrent poursuivre au-delà mais la NASA, ainsi que l’ancienne pilote influente Jackie Cochran, dépitée de ne pas avoir été sélectionnée, vont leur mettre des bâtons dans les roues. Alors que la NASA traîne du pied, le changement va venir… de la télévision. Au milieu des années 1960, le producteur Gene Rodenberry lance la fameuse série Star Trek avec, entre autres, le personnage du lieutenant Uhura, l’officier chargé des communications. Particularité: c’est une femme, afro-américaine de surcroît ! Suite à ce rôle, son interprète, Nichelle Nichols, s’engagera activement pour faire bouger les mentalités à la NASA. Avec succès puisque des femmes sont enfin sélectionnées. La première d’entre elles, Sally Ride, embarque sur la navette en 1983. 

(1) Le groupe des 7 hommes ayant réussi les tests est baptisé «Mercury Seven», en référence au programme Mercury (1958-1963). Il s’agit du premier programme spatial américain à avoir envoyé un Américain dans l’espace.

1. Valentina Terechkova (Crédit: ©BELGAIMAGE)

2. Nichelle Nichols, dans le rôle du Lieutenant Uhura de la série Star Trek

3. Sally Ride (Crédit: NASA)

 

Et aujourd’hui ?

Tout ça, c’est du passé, pensez-vous. Certes, les statistiques, globalement, s’améliorent un peu: une fois que l’opportunité leur est donnée, les femmes motivées et compétentes ne manquent pas. Toutefois, il reste encore du chemin à faire ! Ainsi, le problème des scaphandres est toujours non réglé à l’heure actuelle: même si les bouts qui dépassent ne sont pas aux mêmes endroits, les femmes doivent toujours se contenter des combinaisons masculines disponibles en taille «small» ou «medium». C’est d’ailleurs le manque de combinaisons de bonne taille qui a conduit au fiasco de la première sortie extravéhiculaire 100% féminine annoncée avec fracas puis annulée piteusement en mars 2019…  

(Ce texte est un résumé d’une des petites histoires surprenantes ou étonnantes du livre Astronomie de l’étrange, de Yaël Nazé, paru aux Éditions Belin en février 2020)

  

«Femmes
de Science», le jeu !

Vous avez envie de découvrir des femmes scientifiques de manière ludique ? Ce jeu est fait pour vous ! Il vous suffira de créer le plus d’équipes thématiques possibles pour gagner… Ce faisant, vous découvrirez des femmes de tous continents et toutes disciplines (biologie, physique, géologie, math, anthropologie, espace), avec leurs contributions scientifiques. À jouer sans modération dès 8 ans.

PDF à imprimer :

https://www.luanagames.com/


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Théo PIRARD • theopirard@yahoo.fr

MAIS ENCORE …

1) Une constellation européenne pour de l’Internet haut débit ?

C’est un projet d’initiative publique que la Commission voudrait développer sur le modèle du système Galileo de navigation globale par satellites. Thierry Breton, le Commissaire européen en charge du marché intérieur (avec les affaires spatiales), a lancé un plan pour que l’Europe se dote d’une infrastructure spatiale de connectivité numérique. L’objectif est de pouvoir rivaliser avec les constellations qui prennent forme aux États-Unis (Starlink de SpaceX avec un millier de micro-satellites pour des connexions à l’échelle globale) et au Royaume-Uni (OneWeb en cours de déploiement avec Arianespace), mais qui se préparent en Chine et en Russie…

Les opérateurs de satellites géostationnaires que sont Eutelsat en France, Ses au Luxembourg, Hispasat en Espagne ont manifesté de l’intérêt pour le déploiement d’un système européen en orbite basse. De leur côté, les industriels du spatial en Europe – Airbus impliqué dans la production des mini-sats OneWeb, ainsi que OHB, Thales Alenia Space – se déclarent prêts à participer à la réalisation de ce système global souhaité par la Commission.

2) Mise en œuvre de la station spatiale chinoise.

Cette année, il y aura pas mal de monde au-dessus de nos têtes. Outre la permanence humaine dans l’Iss (International space station) desservie par des vaisseaux russes Soyouz et américains Crew Dragon (SpaceX), 2021 sera marquée par le retour d’équipages de taïkonautes autour de la Terre, à bord d’une station modulaire Css (China Space Station). Pour sa réalisation, les fusées Longue Marche de nouvelle génération (modèles 5B et 7), ainsi que les laboratoires habitables et les ravitailleurs sont en préparation pour la Casc (China Aerospace Science & Technology Corp), sur le site industriel de Tianjin.

Une dizaine de missions pour la mise en œuvre de la Css sont programmées durant les 2 ans à venir. Le module central Tianhe de 22 t,  équipé d’un collier pour plusieurs arrimages, doit être lancé par une puissante Longue Marche 5B en avril-mai. Puis, le laboratoire Tianzhou-2 de 13 t, satellisé par une Longue Marche 7, ira s’y arrimer. Un trio de taïkonautes à bord du vaisseau Shenzhou-12 viendra habiter cet ensemble orbital au cours de l’été. 

3) Mini-navette européenne en Italie dès 2023…  

Avec le vaisseau automatique Space Rider (Reusable Integrated Demonstrator for Europe Return) de quelque 3 t, l’ESA (European Space Agency) va se doter d’un planeur réutilisable pour des expériences en microgravité et des observations sur orbite. Son module de service est basé sur le système de propulsion Avum du lanceur Vega. D’un montant total de 167 millions d’euros, les contrats pour la réalisation de ce programme technologique ont été signés en décembre avec Thales Alenia Space pour le planeur de rentrée et Avio pour le module de service. Le premier vol du Space Rider avec un lanceur Vega-C est prévu dans 2 ans et demi. 

Une constellation européenne pour de l’internet haut débit (Photo OneWeb)

Mise en œuvre de la station spatiale chinoise (Photo CNSA)

Le module central Tianhe de 22 t,  équipé d’un ­collier (Photo CMS)

Mini-navette européenne en Italie dès 2023…(Photo Thales Alenia Space)

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