Dossier

Pourquoi
Bonnie aimait-elle Clyde ?

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Selon l’adage, le crime ne paie pas. Peut-être… Souvent, sans doute. Mais le crime, surtout s’il est perpétré par des tueurs en série et autres violeurs célèbres, peut susciter fascination érotique et dévotion amoureuse. Le phénomène n’est pas récent, d’autant que si l’on se fie aux thèses de la psychologie évolutionniste, il aurait des racines ancestrales en lien avec la sélection naturelle

 

Landru reçut plus de 4 000 lettres d’admiratrices et 800 demandes en mariage entre le 14 avril 1919, jour de son inculpation, et le 25 février 1922, qui présida à sa décapitation à la guillotine. Le Barbe-Bleue de Gambais était accusé du meurtre de 11 riches veuves esseulées qui avaient répondu à ses annonces matrimoniales et qui, au lieu de venir partager son lit, avaient fini dans sa cheminée. Autre exemple: Charles Manson, le gourou d’une secte hippie meurtrière, accéda à une notoriété internationale en 1969 après avoir commandité plusieurs meurtres, dont celui de Sharon Tate, la compagne du réalisateur Roman Polanski. Condamné à la perpétuité, il bénéficia, lui aussi, de nombreuses marques d’affection de femmes jusqu’à sa mort en 2017. Afton Burton, une jeune Américaine, faillit l’épouser en 2014 alors qu’elle avait 26 ans et lui 79.

Luka Rocco Magnotta, surnommé le «dépeceur de Montréal», n’est pas en reste. Et, le concernant, on pourrait même dire «en restes». Celui qui travaillait comme escort boy et occasionnellement comme acteur porno publia des vidéos de tortures de chatons sur le Web avant de passer à la dimension supérieure. En 2012, il fut l’auteur du meurtre de Lin Jun, un Chinois vivant au Canada. Il diffusa sur Internet une vidéo dans laquelle il en mutilait le cadavre. Cela n’a pas refroidi certaines femmes, puisque Magnotta a vu naître un fan club de «killer groupies» qui le vénèrent sur la Toile. L’une d’elles, une certaine Hannah, jeune femme de 34 ans, souffrant d’un trouble de la personnalité de type borderline, dira: «Les médias parlaient de plus en plus de Luka Magnotta, j’étais hypnotisée.» Elle expliquera par ailleurs qu’elle le trouvait mignon, s’était éprise de lui dès qu’elle avait vu la vidéo où il dépeçait sa victime et qu’elle n’avait de cesse de trouver des éléments qui l’innocenteraient. La jeune femme lui écrira de multiples lettres, avec pour rêve ultime d’avoir une relation avec lui en prison.

On pourrait multiplier les exemples. En effet, que penser des 800 lettres d’amour qui aboutissent chaque mois dans la cellule d’Anders Breivik, auteur de la mise à mort froide et calculée de 77 jeunes près d’Oslo en 2011 ? Ou de l’abondant courrier envoyé à Marc Dutroux, notamment par des adolescentes ? L’une d’elles, alors âgée de 15 ans, écrivit au tueur pédophile qu’il l’avait toujours fascinée. Et d’ajouter dans sa lettre: «Vous êtes une personne connue. Quand je vois vos photos, je ne peux que croire que vous êtes honnête». 

Chef de bande

À la lumière de tels cas, on pourrait penser que l’éclosion d’une attirance sexuelle et d’un sentiment amoureux envers de grands délinquants, du fait même qu’ils ont ce statut, est le propre de femmes. Ce serait travestir la réalité. «Au cœur de ce phénomène communément qualifié de syndrome de Bonnie and Clyde, le tropisme plutôt féminin que l’on observe pourrait peut-être s’expliquer par certaines caractéristiques de la psychologie du désir chez la femme, indique le psychologue clinicien et sexologue Philippe Kempeneers, maître de conférences à l’Université de Liège. Toutefois, la grande délinquance est majoritairement masculine. Autrement dit, le nombre d’hommes délinquants est très supérieur à celui de femmes délinquantes. Cette donnée quantitative peut être à l’origine d’un biais d’interprétation statistique