A priori, le cerveau n’offre pas de manifestations externes de son fonctionnement. Excepté pour un groupe animal: celui des céphalopodes et en particulier, des seiches, ces animaux marins dotés de 10 bras orientés vers l’avant lui donnant une forme très hydrodynamique. Pour le reste, la seiche est dotée de 2 gros yeux, d’un abdomen aplati de haut en bas et d’une structure unique chez les mollusques: un os (ou sépion) poreux qui lui permet de régler sa flottabilité. Mais l’animal est surtout connu pour son extraordinaire aptitude à se confondre à son environnement, tant par la couleur que par l’aspect physique qu’il donne à son enveloppe externe.
Ce sont ces dernières caractéristiques qui ont amené des neurophysiologistes à étudier ces animaux de plus près. Pour modifier ces 2 paramètres cutanés, la seiche doit d’abord prendre conscience de l’environnement dans lequel elle se trouve puis en dégager à la fois les couleurs et la granulométrie. Et c’est en cela qu’elle devient particulièrement intéressante, puisque les modifications apportées sont la traduction immédiate d’une activité cérébrale d’analyse. Disposant de seiches placées en conditions contrôlées et variables, les scientifiques les ont observées pendant des semaines par le biais de micro-caméras offrant 60 images par seconde et une résolution proche de celle d’une seule cellule. Le tout a ensuite été traité par voie informatique pour comprendre dans quelles conditions et dans quel délai la perception cérébrale de l’environnement était traduite sur l’enveloppe externe.
Les résultats de l’étude sont trop longs à répercuter ici mais on peut en retenir l’essentiel. Le cerveau, particulièrement important chez les céphalopodes, est relié à des neurones spécialisés dans le contrôle de muscles qui, au besoin, contractent ou étendent les taches faites de cellules colorées (ou chromatophores, jaunes, oranges, rouges, bruns et noirs) réparties sur tout le corps. C’est le contrôle «intelligent» de la taille de ces taches qui permet à l’animal de se fondre à son environnement, parfois jusqu’à s’y confondre totalement. Il en va de même pour les granulations du tégument externe dues à la contraction de muscles dédiés – formant des papilles – eux aussi sous contrôle neuronal. Dans le contexte évoqué, il apparait donc que la seiche ne peut rien cacher de son fonctionnement cérébral, puisqu’il devient visible de l’extérieur. C’est déjà intéressant tel quel. Peut-être en usant de moyens adaptés en saura-t-on bientôt davantage aussi sur le cerveau humain.
Nature, 2018 ; 350-351 et 361-366