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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

Hiếu Hoàng/Pexels, © Fondation UGA. All rights reserved, Adina Voicu/Pixabay, CC BY 3.0 Alexander Klink

Si l’apparition des plantes à fleurs remonte comme on le pense au Crétacé (l’époque des dinosaures) on ne disposait jusqu’ici d’aucune trace d’insectes pollinisateurs antérieure à 50 millions d’années, soit d’apparition plus tardive. Il semble désormais qu’avec ce petit hyménoptère prisonnier d’un bloc d’ambre depuis 100 millions d’années et porteur de grains de pollen, on dispose enfin de la preuve convaincante qui manquait encore.

Pionnier prisonnier

Depuis longtemps, on s’est fait à l’idée que la rapide prolifération des plantes à fleurs est liée à l’intervention des insectes pollinisateurs. Un des nombreux rapports féconds entre le monde animal et le monde végétal: les uns profitent du pollen et du nectar, les autres y gagnent une fécondation. C’est, une fois de plus, gagnant-gagnant et la formule n’est a priori pas près de s’éteindre.

C’est pendant l’ère secondaire, au cours de ce Crétacé qui a vu l’apparition remarquée des dinosaures, que le processus serait apparu, ce qui aurait par conséquent mené au développement de ces Spermatophytes – les plantes à fleurs et à graines – qui peuplent désormais toutes les niches du globe, Pôles et zones trop arides exceptées.

Il restait à apporter la preuve de l’intervention des insectes dans l’induction du phénomène. Jusqu’ici, un vestige entomologique prisonnier d’un morceau d’ambre témoignait de la chose, mais il y a 50 millions d’années «seulement». Mais une découverte récente double la période, ce qui pourrait rapprocher du début de l’intervention fondatrice des insectes dans la pollinisation. Un petit bloc d’ambre découvert il y a quelques années au Myanmar et daté de 100 millions d’années a en effet été acquis en 2012 par des scientifiques qui y ont identifié un insecte. Puis ils ont rangé – et sans doute oublié quelque peu – le vestige sur une étagère, jusqu’à sa redécouverte récente. À cette occasion, un entomologiste a pu noter la forme particulièrement effilée de l’animal qui aurait pu l’autoriser à se faufiler dans le calice d’une fleur; d’où la suspicion qu’il aurait été un de ceux qui, en pionniers, fréquentaient l’intimité florale pour un bénéfice partagé. La présence de grains de pollen encore fixés au thorax a toutefois constitué la preuve décisive que n’ont pas manqué de relever les paléontologistes attachés à l’étude du fossile; le tout étant inclus dans un petit bloc d’ambre taillé et poli qui n’excède pas 1 centimètre dans sa plus grande longueur…

Science, 2019; 366: 779

 
On a de qui tenir 

La prise de conscience d’une pollution galopante est finalement récente, la première «année de conservation de la nature» se situant il y a une cinquantaine d’années d’ici seulement. Hier, donc, à l’échelle du temps. C’est vrai que l’accroissement démographique exponentiel et l’accès de toutes les populations du monde à la «consommation immédiate» n’a rien arrangé et rend le résultat forcément de plus en plus visible, même si de nombreux pays, comme le nôtre, mettent tout en œuvre pour assurer collecte, dégradation et, chaque fois que c’est possible, recyclage. Mais la «pollution» au sens le plus large ne date évidemment pas d’hier et on peut en retrouver les traces aussi loin que l’homme a commencé à exploiter la nature pour en extraire et purifier quelques éléments qui lui ont paru utiles pour un usage spécifique.

Pour en avoir la confirmation et tenter de quantifier la chose, des scientifiques grenoblois ont opéré une analyse de carottes de glace prélevées dans le glacier du Mont blanc, dont le massif fait frontière entre la France et l’Italie. La partie la plus profonde du carottage – la plus ancienne aussi par conséquent – a permis de remonter jusque -5 000 ans, c’est à-dire au début de la période historique, marquée par la culture sumérienne dans le Croissant fertile et la prédynastique le long du Nil. Pour chaque séquence de cette tranche d’histoire, des analyses de la glace ont été effectuées, afin d’y déceler des traces de plomb et d’antimoine. Pourquoi ces éléments en particulier ? Simplement parce qu’ils ont été parmi les plus utilisés dans la sidérurgie ancienne, le plomb étant le métal ductile et malléable utilisé massivement pour la tuyauterie et les toitures. Quant à l’antimoine, rarement présent à l’état pur, il est souvent associé au précédent, ce qui permet de renforcer les résultats d’analyse du plomb. Réduit en poudre et en très faible quantité, il était accessoirement aussi utilisé pour souligner d’un trait noir les yeux et les cils des élégantes de l’Antiquité.

Des analyses menées, il ressort que du plomb est bien présent à toutes époques, avec toutefois 2 pics d’intensité plus élevées, qui correspondent au 2e siècle avant notre ère pour le premier, à l’an 120 pour le second. Les auteurs de l’étude analysent ces concentrations plus élevées comme témoins du début de l’expansion de l’Empire romain dans un cas et de sa période la plus faste dans le second.

Si on peut assimiler ce qui précède à une «pollution», il ne s’agit encore que d’éléments naturels simplement concentrés une dizaine de fois en moyenne par rapport à la concentration native. On est loin encore des dépôts massifs de plastiques et autres matériaux transformés dont on gratifie la planète Terre à raison de millions de tonnes chaque année. Mais c’était le début d’un désintérêt pour les effets collatéraux d’une exploitation industrielle. Et ça, ça n’a guère changé depuis.

Nature, 2019; 569: 4578 

Opération de forage en 2016, Projet Ice Memory, Opération Col du Dôme, Mont Blanc

Opération de forage en 2016, Projet Ice Memory, Opération Col du Dôme, Mont Blanc

  

Bio zoom

Anguloa uniflora ou orchidées tulipe sont des orchidées à feuilles caduques, épiphytes ou terrestres, cultivées pour leurs magnifiques fleurs solitaires qui sentent la cannelle. Cette espèce, originaire des régions de haute altitude des Andes en Amérique du Sud, comprend environ 15 à 18 espèces et appartient à la famille des Orchidaceae (Orchidacées). Petit côté insolite, elle ressemble à un bébé emmitouflé dans un couffin… Le genre doit son nom au Péruvien Francisco de Angulo, qui collectionnait les orchidées pour son plaisir et est devenu un tel spécialiste qu’il pouvait aider les botanistes dans leur travail.

Des Anguloa Uniflora appelées également Berceau de Vénus.

  

 
Père de courtoisie

L’idée qui suit n’est pas neuve: elle a été évoquée il y a longtemps, bien qu’en marge des congrès, dans la perspective de conserver, chez des humains, une fertilité au moins partielle en préalable à un traitement à risque stérilisant. L’idée: injecter des cellules souches testiculaires à préserver dans les glandes génitales d’un «porteur» volontaire, préalablement stérilisé; ce dernier étant le père du malade, par exemple qui vu son âge, ne pouvait plus nourrir de projet légitime de conception. Bon, on a compris qu’il ne s’agit que d’une idée qui a peu de risque de voir le jour chez les humains, contraintes éthiques obligent. Mais chez l’animal ? Dans son cas, l’éthique est davantage sauve. Les techniques ont aussi évolué: plutôt qu’appliquer un lourd traitement stérilisant au futur porteur, il suffit d’«éteindre» chez lui la transcription d’un gène spécialement impliqué dans la production de spermatozoïdes. La méthode désormais bien maîtrisée de gene editing (ou Caspr-Cas9) permet de le faire à condition d’avoir au préalable bien identifié le gène à cibler. Et ça, c’est fait aussi. C’est par exemple NANOS2 chez le porc ou DDX4 chez le poulet. Il suffit donc, dans l’ordre, de mettre hors service le gène identifié et lorsque plus aucun spermatozoïde n’est produit par l’animal traité, de lui injecter des cellules souches prélevées chez un reproducteur jugé plus performant; celui qui permettrait par exemple – si le porteur est un taureau – aux vaches inséminées de produire davantage de lait par exemple, mais pas seulement; il pourrait également leur offrir une meilleure protection contre des pathogènes ou contre les effets d’un environnement à sécheresse persistante. On pense dans ce dernier contexte à une implantation de bétail dans des pays où les conditions environnementales et sanitaires précarisent l’élevage traditionnel.

Le lecteur attentif peut objecter à ce stade qu’on peut arriver à un résultat identique en procédant à de l’insémination artificielle, accessible chez la plupart des espèces d’intérêt économique. C’est vrai; mais chez nous et dans les autres pays occidentaux seulement où les animaux peuvent être maintenus en stabulation forcée pendant le temps nécessaire à la manœuvre. C’est beaucoup moins vrai dans les ranchs américains ou ceux de la Pampa argentine. D’où cette idée d’«enrichir» des mâles potentiellement reproducteurs avec des cellules à performance accrue. Autant le dire, tout cela est déjà en cours de réalisation, en particulier avec des porcs et des poulets. Le taux de reprise des cellules souches n’atteint pas encore le niveau attendu, mais ce n’est sans doute qu’une question de temps et de réglage technique. Il restera tout de même ensuite à obtenir les autorisations de mise en œuvre à grande échelle, dans un contexte où tout ce qui touche de près ou de loin la manipulation du gène a plutôt mauvaise presse chez une part importante des consommateurs potentiels. À chaque étape, son franchissement.  

Nature, 2019; 567: 292-293

  

  

Un odorat quantitatif

L’éléphant d’Asie (Elephas maximus) a déjà pour lui d’être le plus gros mammifère terrestre après son cousin d’Afrique. Cela devrait déjà suffire à en faire un
animal exceptionnel, mais il semblerait qu’il nous ait caché, jusqu’il y a peu, un autre talent qui, cette fois, ne relève pas de la même évidence.

Pour les humains, comme pour les singes supérieurs et les oiseaux, l’estimation de la quantité de nourriture disponible passe obligatoirement par le regard. Une faim impérieuse à calmer pour un humain passe, quand le choix est possible, par une assiette
bien pleine plutôt qu’à moitié vide. Il en va de même au moins pour nos proches cousins simiens comme l’ont prouvé des expériences validées. Même chose pour des oiseaux auxquels 2 sachets de graines sont présentés; de façon significative, le plus rempli constitue le premier choix.

On a reproduit l’expérience il y a peu avec l’éléphant d’Asie, mais pour la corser quelque peu, on a dissimulé la taille des sacs de graines qu’il lui était possible de renifler. Et à la surprise des expérimentateurs, les sujets contrôlés ont significativement porté, en aveugle, leur choix sur les sacs les plus gros, là encore. Le sens olfactif de ces pachydermes enrichi – faut-il le rappeler – d’un long appendice nasal particulièrement adapté à la fois à la préhension et à l’olfaction,  permettrait  aussi de «peser» la quantité d’aliment à saisir et de privilégier celle qui est davantage à sa faveur. Difficile, donc, de «tromper» l’animal sur la quantité. 

Dans l’état actuel des connaissances, on peut simplement suspecter que l’olfaction est à ce point sensible qu’elle renseigne sur la quantité  des parfums émis au moins par la nourriture. Il  n’est toutefois pas interdit de penser qu’elle puisse l’être aussi dans d’autres domaines, comme par exemple pour quantifier le nombre de prédateurs présents bien que cachés.

Les dispositifs d’analyse olfactive restent pour le moment à préciser et à tester. Mais il va de soi, la recherche aidant, qu’on en saura davantage sur le sujet sous peu !

Proc. Natl Acad. Sci USA 
http://doi.org/c6rr (2019) 

  
De l’origine des osselets

Des 206 os que compte l’humain adulte, il y en a 6 qui ne se manifestent que par leur toute petite taille et leur fonction: ceux qui, dans l’oreille moyenne, transmettent les vibrations du tympan aux structures plus internes: canaux semi-circulaires, cochlée puis nerf auditif. S’ils sont nécessaires à la transmission des sons, ils ont aussi une origine évolutive que des chercheurs essaient de retracer. Un fossile découvert dans le sol chinois pourrait apporter un élément de compréhension quant à l’origine du premier des osselets apparus. Car il n’est pas impossible que les 3 qui contribuent à l’oreille moyenne des mammifères et de l’homme en particulier aient des origines évolutives différentes. Le fossile, appelé «Jeholbaatar kielanae», appartenait à un groupe aujourd’hui disparu mais qui s’est imposé de 160 à 34 millions d’années d’ici avant d’être supplanté par les rongeurs modernes: c’est le groupe des Multituberculés. On en a identifié 200 espèces. Ce que Jeholbaatar présente, c’est la séparation d’un tout petit morceau d’os de la mandibule au niveau de son articulation au crâne; lequel aurait ensuite intégré, avec le temps, ce qui allait devenir l’organe de l’ouïe tel qu’il est connu aujourd’hui. L’hypothèse avancée pour expliquer cette séparation est qu’en changeant d’alimentation, Jeholbaatar aurait gagné une mobilité différente de la mandibule, ce qui aurait favorisé le détachement osseux. Alors que la plupart des autres Multituberculés se nourrissaient d’insectes et de petits invertébrés, celle dont il est question aurait opté plutôt pour un régime végétarien. Reste à voir si l’acquisition d’une mobilité différente de la mâchoire est une conséquence du changement de régime ou si c’est l’inverse. À quelques dizaines de millions d’années de distance, les spéculations restent nombreuses: les vestiges osseux des osselets sur lesquels les études portent demeurent difficiles d’interprétation, surtout quand on sait que les animaux sur lesquels ils restent visibles avaient à peu de chose près la taille des souris actuelles. Le premier osselet de l’oreille moyenne serait donc venu d’ailleurs et ne serait pas apparu de l’ossification d’une structure auriculaire préexistante. Pour ce que l’on croit en savoir aujourd’hui en tout cas…

Nature, 2019, 576: 44-45 et 102-105

La coquille des escargots s’enroule-t-elle toujours dans le même sens ?

Tout le monde a eu l’occasion d’observer de près des escargots et voir avec quelle précision la coquille s’enroule sur elle-même en une spirale parfaite. Les plus observateurs ont également noté que l’enroulement est horlogique, c’est-à-dire qu’elle progresse en taille dans le sens des aiguilles d’une montre. Toujours ? Et bien non. Les exceptions sont certes rares – 1 cas sur 20 000 environ – mais elles existent. On parle dans ce cas d’enroulement sénestre, puisque tournant vers la gauche. L’observation n’est pas neuve, mais jusqu’ici on n’en possédait pas l’explication. Elle semble désormais acquise, depuis que des chercheurs japonais ont mis en évidence une différence apparemment significative entre les gastéropodes au niveau d’un gène: Lsdia1. C’est le gros escargot d’eau douce Lymnea stagnalis qui a servi de «cobaye»; et chez lui, la fréquence des 2 formes structurelles de la coquille est dans un rapport de 99,9 à 0,1%, respectivement. Lorsque 2 copies du gène incriminé sont rendues inopérantes, les animaux deviennent à coup sûr sénestres, ainsi que leur descendance. C’est le sens de succession des cellules dès les tout premiers stades qui est concerné, avec le résultat que l’on sait, bien visible quand l’animal acquiert une taille plus conséquente.

Cette découverte a-t-elle un réel intérêt ? Peut-être. Elle pourrait aussi expliquer une anomalie analogue observée chez les humains, appelée situs inversus. Elle concerne les rares individus (moins d’1 cas sur 10 000) qui ont les organes inversés, avec le cœur à droite. Mais cela reste, pour l’heure, une simple supposition. À éprouver rapidement, cela va de soi !

www.nature.com/articles/d41586-019-01515-w
www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5052593/

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