Olivier LORGE
Forgeron

Non pas du tout. Petit, ce que je voulais, c’était aider les autres. Mon rêve, c’était de devenir médecin généraliste. Mais j’ai vite été découragé par des médecins même, qui affirmaient qu’ils n’avaient plus de vie. J’ai finalement choisi des études de bio-ingénieur car j’aime le contact avec la nature. Je me dirigeais vers la préservation des forêts et espaces naturels mais cela demande souvent de partir à l’étranger donc j’ai choisi l’étude des sols. En master, j’ai dû partir au Japon pour mon TFE. Mon corps n’a pas supporté le décalage horaire et j’ai connu des problèmes de santé. Pour passer le temps en attendant d’être rapatrié, je me suis mis à regarder des vidéos de forge sur YouTube. Ça a été une révélation ! La transformation de l’acier m’a de suite fasciné. 

Ce que dit l’adage est vrai: c’est en forgeant que l’on devient forgeron ! De retour du Japon, j’ai compris que le métier d’ingénieur ne correspondait plus à mes envies. Comme j’avais 6 mois devant moi sans occupation, j’ai décidé de construire mon propre atelier de forge… Au terme de cette période, j’ai terminé mon TFE afin d’obtenir mon diplôme de Bio-ingénieur. Je n’ai donc suivi aucune formation certifiante pour le métier de forgeron. Je suis un auto-didacte au sens propre: je me suis formé seul en regardant des vidéos, en observant et en reproduisant des pièces, en procédant par essais-erreurs. Je réalise aujourd’hui de petits objets du quotidien, des pièces structurelles d’architecture ainsi que des objets d’art. En Belgique, il y a de nombreux forgerons amateurs (à ne pas confondre avec le métier de ferronnier) mais peu de maître forgeron. C’est une formation beaucoup plus répandue en France par exemple, via le compagnonnage.

Je n’ai absolument pas de journée-type. Pour l’instant, je suis très occupé à développer mon business, grâce au crowdfunding. J’ai pu réunir la somme minimale en 1 mois, ce qui va me permettre d’occuper un atelier beaucoup plus grand et d’acquérir des outils professionnels comme un marteau-pilon. Cela va alléger la charge physique et me donnera l’opportunité de réaliser des pièces plus grandes. Je souhaiterais parallèlement donner des formations et créer un compte YouTube pour à mon tour faire bénéficier les autres de mon expérience. Transmettre un savoir-faire est essentiel pour moi. Cela doit venir de ma maman enseignante. 

Les sciences jouent un rôle important dans le métier de forgeron car toutes les techniques répondent à une compréhension de la matière et donc de ce qui s’y passe à l’intérieur et en terme d’optimisation des procédés, il faut toujours réfléchir aux étapes de réalisation d’une pièce et par la suite comment améliorer les enchainements. De ce point de vue-là, mes études de bio-ingénieur m’aident beaucoup. D’ailleurs, j’ai toujours aimé comprendre ce qui nous entoure.

Je dirais de se faire connaître en tant que jeune indépendant. Cela demande énormément de temps et d’énergie de se «vendre». L’aspect physique est une autre difficulté: c’est un travail dur, qui demande de la force physique. Heureusement, les machines vont me soulager et épargner un bon nombre de blessures !

Je suis très fier que le crowdfunding ait été atteint aussi vite. Il fallait atteindre le pallier en 2 mois maximum afin d’obtenir la somme. Somme qui a été déterminée avec l’aide d’une asbl et qui correspond aux investissements minimaux afin de lancer une activité professionnelle. C’était assez stressant car c’est le projet de toute une vie. Plus concrètement, je suis en train de travailler sur une sculpture à taille humaine depuis plusieurs mois. Ce sera un bel accomplissement personnel lorsqu’elle sera terminée.

J’ai vu un reportage sur la vie d’Orelsan, un rappeur français, qui a vraiment été une inspiration pour moi. Il a connu des galères et pourtant, il a toujours cru en ses rêves et est arrivé là où il en est. Nous vivons dans une société qui a tendance à brider les rêves. Il faut y croire, être persévérant et fournir un travail acharné. C’est vrai que j’ai la chance d’être soutenu par mes parents, d’avoir la sécurité d’un bon diplôme mais je pense qu’en se donnant les moyens, tout le monde peut réussir. 
  

Ce serait un métier en lien avec la nature. Ou réaliser mon premier rêve: soigner les gens, mais pas en tant que médecin. Je me tournerais plutôt vers les médecines alternatives pour soigner le corps et l’esprit. Je ne l’exclus pas dans cette vie-ci !

Ce serait d’avoir une confiance absolue en la vie et en moi. Savoir qui on est vraiment, apprendre à s’aimer soi-même pour aimer les autres, atteindre le bonheur en somme, ce serait LE super pouvoir !

J’enseignerais mon savoir-faire en forge. Mon rêve serait d’atteindre un niveau d’expertise élevé pour donner des formations à l’international. Le summum serait qu’en fin de carrière, je puisse former un successeur qui reprendrait l’atelier parce qu’il sera reconnu et réputé…

Je rêve plutôt d’avoir un immense atelier rempli d’outils et de machines. Pas parce que je suis matérialiste mais pour rendre les possibilités infinies. Je suis toujours un enfant, il n’y a que la taille des jouets qui a grandi. 

J’ai du mal avec les nouvelles technologies. Je me verrais plutôt en arbre. Un chêne par exemple. C’est solide et serein, ça pousse à son rythme, il vit sa vie sans empiéter sur celle des autres.

Depuis mon expérience au Japon, c’est compliqué pour moi de voyager. Mais je dépasserai cette peur-là un jour car je rêve de visiter des espaces naturels, vierges de toute présence humaine, au Canada par exemple. À vivre en mode «retraite», pour apprendre sur moi-même et revenir aux choses essentielles de la vie. 

Je discuterais bien avec Mathieu Ricard, un scientifique à l’Institut Pasteur, qui a totalement changé de vie pour devenir moine bouddhiste tibétain. Il vit depuis 50 ans dans un monastère au Népal. Il a écrit plusieurs livres dont un dialogue, Le moine et le Philosophe, qui a été un gros succès de librairie… C’est un parcours très inspirant pour moi.

Je pense, au contraire, que c’est un métier d’avenir qui va avoir un rôle à jouer dans la société. Il y a l’envie d’un retour aux choses qui ont une âme, qui ont été faites à la main, qui sont uniques, qui ont du sens. Les pièces forgées ont une grande longévité et sont le plus souvent réparables. Elles peuvent ainsi se transmettre sur plusieurs générations. Il y a une tendance à lutter contre la surconsommation et à la surproduction. Les gens réfléchissent davantage à leurs achats et acceptent plus facilement de payer la qualité d’un objet qu’ils vont garder des années. J’espère contribuer à cette démarche écologique et climatique. Car même si je brûle des énergies fossiles, mon empreinte carbone reste faible sur la durée de vie de l’objet.