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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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Espèce en péril

La réduction de la biodiversité est un élément qui revient souvent dans les discours écologistes alarmistes mais n’a qu’un impact mineur chez une majorité de ceux qui les reçoivent. À une exception près: quand une espèce déclarée en danger a un énorme capital sympathie, généralement lié à son aspect. Et dans cette catégorie, le koala est une espèce emblématique. Ce marsupial australien, qui vit le plus souvent en hauteur dans un eucalyptus dont il consomme les feuilles, a tout du nounours câlin et soyeux. Sauf qu’il est désormais jugé en péril: depuis une vingtaine d’années, ses effectifs auraient chuté de 50 à 60%. Et pourtant, il n’est plus chassé comme il l’a été au 20e siècle, sa fourrure ayant failli causer sa perte au prix d’une traque incontrôlée.

S’il est en péril aujourd’hui, c’est pour de tout autres raisons auxquelles l’humain reste malheureusement lié. Elles tiennent au morcellement de son habitat: l’urbanisation, la déforestation, l’entretien des espaces, les feux accidentels ou volontaires dans le bush ont réduit ses espaces de vie, essentiellement cantonnés sur la côte Est de l’Australie où, le plus souvent, il a déjà été réintroduit.

Conscient de ce nouveau risque, l’état australien a décidé un nouveau plan de conservation chiffré à 36 millions de dollars étalés sur 4 ans. L’animal, qui est plutôt lent et reste perché dans les branches hautes, a subi de graves pertes d’effectifs lors des récents incendies ayant affecté la région, soit parce que les flammes l’ont surpris dans les eucalyptus en proie aux flammes, soit parce qu’il a traversé des routes enfumées où de nombreux véhicules n’ont pu ou su l’éviter.

Voilà un animal auquel l’homme offre une nouvelle chance de salut. Ses populations seraient encore de l’ordre de quelques dizaines de milliers au plus, contre 100 000 il y a 20 ans. C’est peu compte-tenu de l’importance de son aire naturelle de répartition. Avec le kangourou, le koala fait figure d’emblème pour l’Australie. Et on le sait, un emblème ne peut pas mourir…

   Science, 2022; 375: 701
 

Quelle distance peut parcourir un lièvre arctique sur un hiver ?

Parce que nos lièvres sont plutôt casaniers, on a tendance à penser que tous le sont, quel que soit leur environnement. Or, tous les sites n’ont pas les qualités optimales pour permettre la survie des animaux qui y vivent et ceux-ci sont parfois obligés de parcourir des distances importantes entre le gite et les sources de subsistance. Mais comment le savoir ? Vu que leur taille le permet, les biologistes ont choisi de placer une balise sur le dos de 25 lièvres arctiques (Lepus arcticus) afin d’évaluer leur déplacement pendant un hiver. Le site choisi est l’île Ellesmere, la zone la plus nordique du Canada, très proche du Nord-ouest groenlandais. Les conditions y sont rudes: le froid, la neige et le gel y sont presque permanents. Cela n’empêche pas la faune et la flore d’y trouver leur compte, même si cela leur demande quelques efforts d’adaptation au quotidien. C’est ce qui est apparu lors de l’analyse des déplacement des lièvres «tracés». Durant l’hiver 2019, la plupart d’entre eux avaient parcouru une distance de l’ordre de 100 km, le recordman ayant atteint 388 km !

Ces lagomorphes tout blancs, à l’exception d’une tache noire au sommet des oreilles, n’ont pourtant pas la tâche facile, l’épaisseur de la neige rendant les déplacements parfois acrobatiques et épuisants. Il n’empêche: les résultats sont là. La raison de ces déplacements hors normes: la recherche de nourriture. Dans la quasi totalité des cas, les lièvres pistés cherchaient à s’approcher du lac Hazen, le plus grand de la région, où ils avaient davantage de chance de trouver de la nourriture. L’«appel du ventre» et parfois impérieux. C’est un des besoins fondamentaux de tout être vivant et de toute évidence, le lapin arctique n’échappe pas à la règle. En signant, à la clé, d’authentiques exploits sportifs !

   Science, 2022; 375: 249

 
Le réchauffement des sols glacés

Si le réchauffement climatique a chez nous des effets de surface, visibles et perceptibles, dans le grand nord, il est à l’origine de désagréments qui prennent une tout autre importance: le dégel des sols. Ce n’est pas la première fois que cette problématique est abordée dans cette chronique: le sol en permanence gelé d’une grande partie de la Russie – le permafrost – tend à se réchauffer. Le problème est qu’avec le temps, ce support solide a servi de base à des constructions, des immeubles d’habitation mais aussi diverses usines, y compris celles qui seraient porteuses de risques environnementaux en cas d’effondrement. C’est déjà du vécu: le 29 mai 2020, un réservoir de carburant à proximité de la ville de Norilsk s’est effondré, larguant son contenu de 21 000 tonnes de diesel dans la rivière proche. Progressivement, une partie au moins de ce polluant a déjà atteint l’Océan Arctique avec les conséquences que l’on peut imaginer. 

Pour prévenir la récidive de ce genre de catastrophes – notamment humaines – un plan d’étude a été décidé qui devrait mener à réaliser plus de 400 forages de 30 m de profondeur, répartis sur tout le territoire, afin de mesurer l’évolution de la température. Le gel multimillénaire ayant en particulier gelé la matière organique liée au sol, une des craintes est qu’en cas de réchauffement massif, de grandes quantités de CO2 soient libérées dans l’atmosphère. Et vu la taille du territoire concerné, on ne parle pas dans ce cas précis de millions de tonnes mais bien de milliers de milliards…

2023 devrait être l’année de mise en place de l’étude, dont les visées sont déjà jugées insuffisantes par des spécialistes. On sait aussi qu’entretemps, la Russie a donné priorité à d’autre objectifs jugés prioritaires.

   Science 2022; 375: 15

Rive polluée du lac proche de la ville de Norilsk.

À la recherche du temps gagné

Connaître une vie longue et heureuse est une quête aussi ancienne que l’espèce humaine et depuis que l’homme a pris toute la brève dimension de son passage sur terre, il a recherché les moyens de la rendre plus longue… à défaut de la rendre meilleure. Avec l’abondante disponibilité alimentaire qui lui est offerte aujourd’hui, l’humain en a profité comme d’une manne avec les résultats bien visibles que l’on sait: le surpoids et l’obésité. Les suites peuvent avoir des effets sur la longévité, par maladies cardiovasculaires ou diabète interposés. D’où l’émergence d’une recherche de «sobriété heureuse» (titre d’un ouvrage et de la philosophie de Pierre Rahbi) dans l’alimentation dont on a montré, chez le ver Caenorhabditis elegans d’abord, chez la souris ensuite, à quel point elle pouvait accroître la durée de vie.

Depuis, les applications pratiques de cette sobriété ne cessent de fleurir avec, à chaque fois, les avantages à en retirer sur un plan sanitaire et en matière de longévité: réduction calorique sans malnutrition, diminution des macronutriments (sucres, protéines), jeûne intermittent, etc. Les variantes sont nombreuses. Sont-elles pour autant «payantes» en matière de durée de vie ? La chose est pratiquement impossible à démontrer pour l’espèce humaine. La génétique est déjà un facteur limitant qui fait de chaque individu une «victime» (ou une bénéficiaire) potentielle de son génome. Par les modifications épigénétiques que celui-ci imprime à l’expression des gènes, l’environnement au sens large – il inclut l’alimentation, les addictions éventuelles – influe sur chaque individu. Mais il y a des pistes, comme celle de la rapamycine, ce médicament isolé de moisissures (Rapa nui) de l’île de Pâques. Il s’agit d’un immunosuppresseur qui, étrangement, aurait aussi la propriété d’allonger la vie de souris et d’autres mammifères. Ce qui est avéré pour l’animal va-t-il trouver une confirmation dans notre espèce aussi ? Cela reste à démontrer.

Enfin, on ne peut passer sous silence cette disposition génétique liée au maintien de l’espèce. Elle s’appelle la «pléiotropie antagoniste», déjà évoquée dans cette même chronique. À quoi tient-elle ? À la propriété qu’ont plusieurs gènes d’être impliqués dans des processus à effet opposé et en particulier, dans l’aptitude à se reproduire d’une part, dans le vieillissement cellulaire de l’autre. En clair, le fait d’aider au maintien de l’espèce nous pousserait sur la voie de la sortie… C’est avéré chez la souris. Cela reste (difficilement) à prouver pour notre espèce. Qu’elle survienne plus ou moins tôt, la mort individuelle est inscrite dans un processus spécifique. On ne peut donc y échapper. Autant, dès lors, suivre le sage conseil de Blaise Pascal: «il vaut mieux ajouter de la vie aux années que des années à la vie». À chacun de trouver la vie qui correspond le mieux aux années qui lui restent.

   Science, 2021; 374: 953

D’ailleurs, on tend à oublier qu’il existe déjà un moyen simple d’allonger notre durée de vie en faisant de surcroît des économies: réduire la consommation calorique. L’hypothèse a d’abord été validée chez un petit ver nématode avant de l’être chez la souris qui nous est tout de même plus proche dans un registre évolutif. On lui a offert un gain moyen de 40% d’espérance de vie sans que la restriction alimentaire ne pénalise sa croissance. L’information est intéressante pour les autres mammifères que nous sommes. Sauf qu’il y a de la marge entre l’existence contrôlée d’animaux en cage et celle, beaucoup plus aléatoire, d’humains soumis à des tentations alimentaires fréquentes. Ce qu’une étude menée en Grande-Bretagne a montré récemment, c’est que le gain peut être multiple et affecter aussi de façon très significative les défenses immunitaires, ce qui ne fait que renforcer les conditions d’une vie augmentée mais aussi acquise à une lutte accentuée contre les pathologies diverses et leurs vecteurs éventuels.

Une cohorte d’humains en bonne santé a été suivie pendant 2 ans avec le souhait qu’ils puissent réduire leur apport énergétique de 40%. La réduction observée a été plus modeste, avec une moyenne calculée de 14%. Mais des effets bénéfiques ont néanmoins été notés. Difficile évidemment de parler de longévité dans le cadre de l’étude, les sujets étant toujours bien vivants à l’issue des 2 ans, mais on a noté des différences nettes, en particulier au niveau du thymus, plus largement préservé que dans un groupe témoin. Cette glande qui connaît son apogée à la puberté et dont l’importance se réduit ensuite avec l’âge, est très largement impliquée dans l’immunité. Elle produit les thymocytes, ou lymphocytes T. Il en existe de plusieurs types mais tous participent à la défense cellulaire et l’élimination d’éléments reconnus comme étrangers (T est l’abréviation de thymus pour certains, mais de «tueurs» pour d’autres !).  

On a également noté que la réduction énergétique réduit la production d’une enzyme, PLA2G7, négativement impliquée dans le processus inflammatoire. Cette observation avait déjà été faite chez la souris, mais on remarque que même une réduction calorique d’un septième (14%) suffit chez l’humain à favoriser l’état général de manière significative.

Attention que si une réduction de l’apport énergétique est envisagée, il ne faut pas sombrer dans la carence et tenir sur le long terme. Et il est clair que c’est bien là que réside la difficulté !

   Science 2022, 375: 620-621 et 671-677

 
Des caractères transposés

Beaucoup pensent avoir une connaissance précise de l’ADN. Pourtant ceux qui en doutent le plus sont les généticiens eux-mêmes. Si les gènes peuvent être considérés comme les éléments les plus «utiles» du génome, ils ne représentent tout au plus que 2% de l’ensemble de cette immense molécule qui, enroulée autour des histones, constitue la substance essentielle du noyau de nos cellules. Restent donc les 98% pour lesquels on recherche le sens. C’est un des challenges offerts aux généticiens pour les années à venir.

On sait déjà que cette écrasante partie silencieuse du génome est faite en partie de séquences répétitives. Mais ce que l’on sait aussi depuis longtemps, c’est qu’une part de ces séquences est mobiles: ce sont les éléments transposables. La découverte en revient à Barbara McClintock au cours des années 40, ce qui lui a valu, bien plus tard, le prix Nobel. Ces parties mobiles sont appelées les rétrotransposons. Ils peuvent représenter une part importante des 98% de notre ADN. On pense, pour être plus précis, que chez notre espèce, ces éléments représenteraient près de 50% de la molécule.

Si cet étonnant dispositif est aussi omniprésent dans le monde vivant, c’est qu’il a une raison d’être. Il en a même 2. La première, a priori plutôt bénéfique, constitue un facteur d’évolution et de plasticité du génome. Elle participe également à la variabilité interindividuelle. Mais la seconde raison, apparentée à la précédente est plus aléatoire, puisqu’elle peut s’avérer mutagène. Tant qu’à venir se fixer ailleurs que sur sa séquence d’origine, un élément transposable peut, au petit bonheur (ou malheur), aller se fixer sur la partie codante ou régulatrice d’un gène et partant, modifier son message. La suite peut être favorable, neutre ou délétère. On considère par exemple qu’une centaine de maladies génétiques doivent leur existence à la présence d’un rétrotransposon là où il n’aurait pas dû aller se fixer. En revanche, si cette insertion s’avère positive, elle participe, comme évoqué ci-dessus à l’évolution.

On a également remarqué que certaines de ces séquences mobiles, bien identifiées, peuvent être spécifiquement exprimées pendant la méiose. Cette dernière, faut-il le rappeler, est la division cellulaire particulière qui conduit à l’élaboration des gamètes, ovules et spermatozoïdes. Cela signifie en clair que si l’insertion du rétrotransposon modifie l’expression d’un gène, cette modification risque de passer le cap des générations, pour le meilleur ou pour le pire, parfois. Un risque ? Sans doute, mais mesuré car on s’est rendu compte que l’évolution, dans son approche essai-erreur, a éliminé le déplacement de plusieurs séquences mobiles ou en a maintenu la transposition dans ou à proximité de gènes à l’effet desquels elles participent utilement. Tout n’est pas dit, loin s’en faut. La recherche en génétique a encore de beaux jours devant elle. Et on a tout lieu de penser que l’évolution de notre espèce aussi !

   Médecine/sciences 2022. 38(1): 18-20 
 
 

BIOZOOM

Ceci n’est pas la dernière création de la marque bien connue dans le secteur du cristal, Zwarovski, mais bien un pur produit de Dame Nature ! Diphylleia grayi, également surnommée plante squelette ou fleur de verre, appartient à la famille des Berbéridacées. Elle fleurit au printemps et les fleurs, justement, ont la particularité de devenir translucides comme du verre dès qu’elles sont mouillées puis redeviennent blanches une fois sèches. Vivace, elle pousse sur les flancs de montagne du nord du Japon, de Chine ou dans les Appalaches (USA), dans des espaces boisés, froids et humides. C’est une plante assez rare, difficile à multiplier. 

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