Il a fait très chaud cet été, en Europe et dans le reste du monde. 2023 pourrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée, détrônant 2016. Malheureusement, l’année 2024 à venir pourrait être encore pire, avec le retour d’El Niño. D’après l’Organisation Mondiale de Météorologie (OMM), ce phénomène s’est installé dans le Pacifique tropical, avec une probabilité très élevée de se poursuivre tout au long de l’année 2023. «L’arrivée d’El Niño augmentera considérablement la probabilité de battre des records de température et de déclencher une chaleur plus extrême dans de nombreuses régions du monde et dans les océans», a déclaré Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM. Il ajoute que «les gouvernements du monde doivent se préparer [afin d’en] limiter les effets sur notre santé, nos écosystèmes et nos économies.»
El Niño, qui dure habituellement entre 9 mois et 1 an, est un phénomène naturel qui survient en moyenne tous les 2 à 7 ans, en alternance avec son opposé, La Niña, et des épisodes plus neutres entre les 2. Le tout forme un cycle nommé ENSO, pour El Niño Southern Oscillation. La Niña qui vient de prendre fin a duré près de 3 ans, et il n’y a pas eu de consensus scientifique sur l’existence d’un épisode El Niño en 2019. Cette année marque donc son retour, après le violent épisode de 2015-2016 qui, combiné au réchauffement climatique, a entraîné de si fortes hausses de températures.
En temps normal, en raison de l’anticyclone de l’île de Pâques, des vents réguliers soufflent d’est en ouest dans le Pacifique sud. Ces alizés entraînent les eaux chaudes de surface vers l’Indonésie. Ce déplacement provoque à l’est, le long des côtes du Pérou, une remontée des eaux profondes, plus froides. Les eaux du Pacifique sud sont donc bien plus chaudes à l’ouest qu’à l’est, avec une différence pouvant atteindre une dizaine de degrés !
À l’ouest, le rayonnement solaire provoque l’évaporation des eaux chaudes, ce qui entraîne une montée de l’air. On assiste à la formation de nuages et de précipitations. À l’inverse, à l’est, l’air descend, et s’assèche. Si ce phénomène est très marqué, c’est ce qu’on appelle La Niña. Tous les ans cependant, les alizés faiblissent, et les eaux chaudes de surface refluent vers l’ouest. Et alors que les eaux froides, chargées en nutriments, favorisent le développement du plancton et donc des poissons, cette petite invasion d’eau chaude provoque, aux alentours de Noël, une diminution, voire l’arrêt total, de l’activité des pêcheurs péruviens. Ils ont nommé ce phénomène El Niño, «l’enfant» en espagnol, en référence à la naissance de Jésus. Mais si cette inversion est annuelle, il faut qu’elle soit particulièrement importante pour que les météorologues parlent d’un véritable El Niño. «L’enfant terrible du Pacifique» est surveillé par de nombreux services de météorologie car, en raison de son ampleur et de l’étendue de la zone concernée, il est capable d’affecter le climat mondial. L’océan, en se réchauffant, transfère à l’air une partie de cette chaleur et de cette humidité, et ce réchauffement peut ajouter jusqu’à 0,3 °C aux températures moyennes. Avec des valeurs déjà supérieures de 1,2 °C aux niveaux préindustriels, El Niño pourrait ainsi entraîner, en 2024, un dépassement ponctuel de la barre des 1,5 °C de réchauffement climatique à l’échelle du globe.
Mais ce n’est pas tout. Alors que El Niño apporte plus d’humidité en Amérique du Sud, c’est l’inverse qui se produit de l’autre côté du Pacifique, en Australie, où plus de chaleur, de sécheresse et de feux sont à redouter. Les températures sur l’île-continent sont déjà supérieures de 1,4 °C au début du 20e siècle, et de violents incendies ont ravagé le pays ces dernières années, alors même qu’il était sous l’influence d’une forte Niña. En Europe, s’il est compliqué de prédire l’influence d’un fort El Niño sur les températures estivales, en raison de nombreux autres facteurs rentrant en ligne de compte, ce phénomène a néanmoins un certain impact sur nos hivers, qui deviennent alors plus froids et plus secs.