Qui est-ce?

Katherine JOHNSON

Jacqueline Remits •  jacqueline.remits@skynet.be

© BELGAIMAGE

Je suis…

Une ingénieure spatiale qui a contribué aux programmes aéronautiques et spatiaux de la Nasa. Si vous avez vu le biopic Les figures de l’ombre, je suis l’une de ces 3 femmes. Originaire de White Sulphur Springs, en Virginie-Occidentale, je viens d’une famille de 4 enfants. Mon père, Joshua Coleman, bûcheron et fermier, ­travaille aussi dans un hôtel. Ma mère, Joylette, est institutrice. Très tôt, je me passionne pour les mathématiques. Comme je suis douée, mes parents m’encouragent à étudier, ce qui, à l’époque, n’était pas ­courant pour les filles, encore moins dans mon milieu. En pleine ségrégation, je fréquente des écoles réservées aux Noirs. Le comté où nous habitons ne proposant pas d’éducation aux jeunes Noirs au-delà de 10 ans, nos parents décident de déménager à 200 km de là afin de pouvoir nous envoyer dans un lycée qui leur est réservé. Précoce, je termine mes études secondaires à 14 ans. À l’Université d’État de ­Virginie-Occidentale, traditionnellement réservée aux Noirs, je m’inscris aux différents cours de mathématiques proposés. Plusieurs professeurs me prennent sous leur aile, dont la chimiste et mathématicienne Angie Turner King, et William Claytor, 3e étudiant noir à obtenir une thèse en mathématiques. Il devient mon mentor et crée de nouveaux cours de maths spécialement pour moi. En 1937, à 18 ans, j’obtiens mes diplômes de mathématiques et de français summa cum laude (avec la plus haute distinction).

Je ­m’installe alors à Marion, en Virginie, pour enseigner les maths, le français et la musique dans une école publique. Mais je me rends vite compte que ce n’est pas ma tasse de thé et quitte ce début de carrière d’enseignante pour fonder une famille. Mariée à James Goble, nous aurons 3 filles: Constance, Joylette et Katherine. En 1939, ­j’intègre le programme de mathématiques de l’Université de Virginie-Occidentale, à Morgantown. Je suis l’une des 3 étudiantes noires et la seule femme sélectionnée par le président de l’État de Virginie-Occidentale sur décision de la Cour suprême des États-Unis. 

Je me lance dans une carrière de chercheuse mathématicienne, un domaine très difficile d’accès pour les femmes noires, faut-il le dire ! Arrive la Seconde Guerre mondiale. Les hommes partis au front commencent à manquer. Le National Committee for Aero­nautics (Naca) – future Nasa – recrute, au sein des enseignantes en maths des écoles publiques, des femmes noires mathématiciennes et ­physiciennes, pour son département de navigation astronomique. En 1953, je me lance dans cette nouvelle carrière. Au début, à cause des lois ségrégationnistes, je travaille dans une aile du bâtiment réservée aux femmes noires affectées aux calculs mathématiques. Être à l’écart m’est égal. Je n’ai pas de temps à perdre à y penser. Mon père nous a toujours dit: «Vous êtes aussi douées que ­n’importe qui dans cette ville, mais vous n’êtes pas mieux». Ce qui explique que je n’ai jamais eu de sentiment d’infériorité. Comme je dis volontiers, je travaille en tant qu’«ordinateur en jupe». Mon travail consiste à calculer les données de boîtes noires d’avions et d’autres travaux mathématiques. Un jour, une collègue et moi sommes temporairement débauchées pour aider l’équipe de recherche masculine sur les vols. En pleine Guerre froide, la Nasa a besoin de spécialistes en géométrie analytique pour devancer les Russes dans la conquête de ­l’espace. Un domaine que je maîtrise parfaitement. Mes connaissances me permettent de m’intégrer rapidement dans l’équipe de mes nouveaux collègues et supérieurs, des ingénieurs chargés d’envoyer le premier Américain dans l’espace, au point qu’ils en oublient de me renvoyer chez les femmes. Les barrières de race et de genre sont toujours présentes, bien sûr, mais je les ignore et n’hésiterai jamais pas à repousser les limites. Bientôt, j’assiste aux réunions où aucune femme n’avait encore été admise. Je fais le job, je mérite ma place. En 1956, mon mari décède d’un cancer du cerveau. Je me retrouve seule pour élever nos 3 filles. Trois ans plus tard, je me remarie avec le Colonel James Johnson.


À cette époque…

En 1937, l’année où je sors diplômée de l’Université, Walt Disney sort, 9 ans après le succès de Mickey, le premier dessin animé long métrage en technicolor, Blanche Neige et les Sept Nains. Un prodigieux succès commercial. La même année, 3 inventions voient le jour, le Polaroïd par un étudiant en optique, le nylon par un chimiste de Dupont de Nemours, et la photocopie par le fondateur de la firme Xerox. En 1953, quand j’entre à la Nasa, le Néo-Zélandais Sir Edmund Hillary et son sherpa Tensing Norgay, réussissent la première ascension de l’Everest dans l’Himalaya, la plus haute montagne du globe (8 846 m). En 1962, alors que John Glenn est le premier astronaute américain à faire le tour de la Terre, c’est la crise des missiles soviétiques à Cuba.

J’ai découvert…

Après avoir travaillé sur l’aérodynamisme des avions jusqu’en 1958, j’occupe un poste d’ingénieure aérospatiale à la Nasa. Je l’occuperai pendant 25 ans. En 1959, j’ai calculé la trajectoire du vol spatial d’Alan Shepard, le premier Américain envoyé dans l’espace, lors du programme Mercury. J’ai aussi calculé la fenêtre de lancement, soit la période optimale pour le lancement d’une fusée, de cette mission. En 1962, alors que la Nasa utilise, pour la première fois, des ordinateurs pour le calcul d’une orbite autour de la Terre, l’agence me demande de faire une dernière vérification de la trajectoire de John Glenn. Par la suite, je travaillerai avec des ordinateurs. En 1969, je détermine la trajectoire du vol Apollo 11 vers la Lune, dont la descente de Neil Amstrong et Buzz Aldrin sur le sol lunaire. Je participe également à la mission Apollo 13 et lors de l’échec, j’aide au retour de l’équipage sur Terre en travaillant sur des procédures et des cartes. Je planche également sur le programme de la navette spatiale Space Shuttle et sur des plans pour une mission sur Mars. Comme je l’ai dit au Washington Post, j’ai juste fait mon travail. La Nasa avait un problème et j’avais la solution.


Saviez-vous que…

En pleine Guerre froide, Katherine Johnson a contribué à rattraper l’URSS dans la course aux étoiles ? Sans cette surdouée en maths, les Russes auraient peut-être gagné la course à l’espace. En novembre 2015, Barack Obama lui a remis la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile américaine. En mai 2016, à l’occasion du 55e anniversaire du premier vol américain dans l’espace, la Nasa a donné son nom à l’un de ses centres de recherche. Longtemps méconnu, son rôle a été révélé au public par le livre Les figures de l’ombre, de Margot Lee Shetterly, publié en 2016. Ce roman retrace l’histoire vraie de 3 femmes afro-américaines qui ont largement contribué à l’envoi du premier Américain dans l’espace: Katherine Johnson, mais aussi Mary Jackson et Dorothy Vaughan. Il a été adapté au cinéma sous le même titre. Début 2017, lors de la 89e cérémonie des Oscars, Katherine Johnson est montée sur scène pour annoncer le prix du meilleur documentaire, accompagnée des actrices Taraji P. Henson, qui l’incarne à l’écran, Octavia Spencer et Janelle Manae, héroïnes du film de Theodore Melfi. Une mise en lumière 32 ans après son départ à la retraite de la Nasa. Dernière reconnaissance: à l’occasion de la Journée des droits de la Femme le 8 mars dernier, la firme Mattel a dévoilé une poupée Barbie à son effigie ! 

La poupée de la firme Mattel

L’actrice Taraji P. Henson (à droite) incarne Katherine Johnson dans le biopic Les figures de l’ombre.



Naissance

26 août 1918, White Sulphur Springs (Virginie-Occidentale, USA)

Nationalité

Américaine

Situation familiale

Mariée deux fois, veuve, 
mère de 3 filles


Diplôme 

Sciences de l’Université d’État de Virginie-Occidentale

Champs de recherche

Mathématiques, informatique, physique

Distinctions

Médaille Virginia Women in History, Médaille présidentielle de la Liberté (2015)

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