Espace

2023 pour percer les mystères du Soleil

Fleur Olagnier • fleur.olagnier@gmail.com

ESA/ATG medialab, kelvinsong

Ce début d’année marque les 2 ans en orbite de la très ambitieuse sonde spatiale Solar Orbiter, ainsi que le lancement de la toute première mission solaire indienne Aditya. L’occasion de faire le point sur les questionnements actuels des chercheurs au sujet de notre étoile le Soleil. Quelles sont les premières découvertes de Solar Orbiter ? Quels objectifs pour les nouvelles missions Aditya, PUNCH et Proba-3 ?

Il s’en est passé des choses depuis le lancement de Soho, le premier satellite moderne d’observation du Soleil, en 1995. Aujourd’hui, les sondes qui étudient notre étoile depuis l’orbite terrestre ou bien au plus près de la couronne solaire sont nombreuses. L’intérêt pour la physique solaire et ses conséquences sur l’atmosphère terrestre ne faiblit pas. Ce 10 février, la sonde européenne Solar Orbiter, une des plus remarquables missions solaires jamais lancées, fête ses 2 ans en orbite. De premiers résultats scientifiques d’envergure sont déjà en cours d’analyse, tandis que le satellite indien Aditya-L1 décolle en janvier. Les missions PUNCH de la Nasa et Proba-3, sous la responsabilité de l’Observatoire Royal de Belgique (ORB), sont aussi actuellement en phase de préparation. 

Le mystère de la couronne bientôt résolu ?

Développé par l’Agence spatiale européenne (Esa) avec une participation de la Nasa, le satellite d’observation Solar Orbiter embarque à son bord pas moins de 10 instruments. Parmi eux, se trouve l’imageur EUI (EUV Full-Sun and High-Resolution Imager), construit au Centre Spatial de Liège et dont les données sont traitées principalement à l’ORB, à Bruxelles. «Solar Orbiter a déjà obtenu des résultats significatifs, appuie Marie Dominique, chercheuse à l’ORB, spécialiste de la physique des éruptions solaires et de leur impact sur l’atmosphère terrestre. EUI a fourni l’image à plus haute résolution jamais obtenue du Soleil depuis l’espace, à une distance de seulement 50 millions de kilomètres. L’une des plus grandes découvertes de la sonde est aussi d’avoir mis en évidence des éruptions solaires de petite taille jamais détectées jusqu’à présent». 

  

En effet, l’un des plus grands mystères de la physique solaire concerne la différence de température entre la photosphère, c’est-à-dire la surface visible de notre étoile, et la couronne solaire, couche la plus externe de son atmosphère qui peut s’observer lors des éclipses totales de Soleil. Au cœur du Soleil, la température atteint les 15 millions de degrés Celsius, et diminue à mesure qu’on s’éloigne du centre jusqu’à 6 000 °C au niveau de la photosphère; puis, fait apparemment illogique, la température augmente de nouveau fortement quand on s’éloigne encore du cœur, pour atteindre 1 million de degrés au niveau de la couronne. «À ce jour, nous n’avons aucune confirmation de nos différentes théories sur le sujet, reprend Marie Dominique. Mais grâce à Solar Orbiter et ses observations des petites éruptions, une des hypothèses va peut-être être validée. On sait que les éruptions solaires dissipent une grande partie de leur énergie (et donc de la chaleur, NdlR) dans la couronne. Toutefois, l’énergie des grandes éruptions ne suffit pas à expliquer la hausse de la température à 1 million de degrés. Maintenant, on va pouvoir déterminer si la somme des petites éruptions que l’on vient de découvrir sont la source de chauffage supplémentaire qui permet d’atteindre cette température».

Mieux comprendre et prédire la météo spatiale

Par ailleurs, un autre instrument de la mission Solar Orbiter, METIS, a récolté la première image du phénomène appelé switchback. Le coronographe Metis, qui observe la couronne solaire en occultant le centre du Soleil (comme une éclipse), va donc permettre d’analyser l’évolution des switchbacks. Ces déviations en forme de «S» du champ magnétique de notre étoile ont été détectées pour la première fois par Parker Solar Probe, l’observatoire solaire de la Nasa lancé en 2018.

En outre, Solar Orbiter a une trajectoire elliptique dont le Soleil est l’un des 2 foyers. Tous les 5 à 7 mois, la sonde se trouve à «un plus près» du Soleil, et au fur et à mesure, chaque nouvelle orbite s’éloigne du plan de l’écliptique – plan géométrique contenant l’orbite de la Terre autour du Soleil. «Le fait que l’orbite s’incline petit à petit va permettre, à l’horizon 2025, d’observer pour la première fois les pôles du Soleil, dont on a simplement des mesures sans image fournies par la sonde euro-américaine Ulysses», explique Valérie Van Grootel, chercheuse en physique stellaire à l’Institut d’Astrophysique de l’ULiège. Or, on sait que les pôles solaires sont impliqués dans la production du vent solaire rapide, qui naît dans des régions appelées trous coronaux situées préférentiellement aux pôles. Ce vent est généré ponctuellement lors des pics d’activité du Soleil et des inversions des pôles magnétiques Nord et Sud, qui ont lieu tous les 11 ans. «Comprendre comment est généré le vent rapide va permettre de préciser comment le Soleil impacte l’environnement spatial de la Terre (orages magnétiques, etc.) et perturbe nos satellites, instruments, avions, astronautes, la Station spatiale internationale, les futurs voyages autour de la Lune… La surveillance et la prédiction de la météo spatiale sont l’une des lignes directrices de toutes les missions solaires», souligne l’astrophysicienne.

Enfin, toujours en lien avec la météo spatiale, Solar Orbiter observe avec précision les différentes éjections du Soleil, qui peuvent être sous forme de flares (flashs lumineux), d’émissions de particules à très haute énergie à des vitesses quasiment relativistes (solar particle events ou SPE) ou de nuages de particules appelés éjections de masse coronale (EMC). «L’objectif est de commencer à connecter ce qui se passe in situ au niveau de la sonde à ce que l’on observe plus loin en termes de densité de particules, d’énergie des particules…, éclaire Valérie Van Grootel. Avec Solar Orbiter, et c’est toute l’originalité de la mission, on a les 2 en même temps».

Ambitions indiennes

Outre Solar Orbiter, dont la mission nominale doit s’achever entre 2027 et 2030, la toute première sonde solaire indienne décolle en janvier. Aditya-L1 sera située comme par exemple sa prédécesseur Soho, au point de Lagrange L1, un point stable qui offre un champ de vue dégagé sur le Soleil 24h/24. «Les équipes indiennes veulent en priorité observer les éjections de masse coronale, car ce sont principalement elles qui provoquent les tempêtes magnétiques lorsqu’elles atteignent l’atmosphère terrestre, détaille Marie Dominique. De plus, Aditya veut relever le défi d’observer la zone d’ombre laissée par les coronographes entre le disque solaire et la couronne lointaine. En effet, le masque des coronographes est toujours surdimensionné pour éviter des perturbations de l’image, donc la couronne solaire «interne», cercle le plus proche du disque solaire, est inobservable. Or, c’est précisément là que les EMC prennent de la vitesse ! Il serait donc intéressant d’accéder à cette zone». Aditya ambitionne également de mesurer le champ magnétique au niveau de la couronne. Il y est moins intense donc plus difficile à détecter, c’est pourquoi on l’observe habituellement dans la photosphère. Mais c’est bien au niveau de la couronne que le champ magnétique subit des perturbations qui sont à l’origine des phénomènes de météo spatiale. D’où l’intérêt, encore une fois, de comprendre et prédire les tempêtes et orages magnétiques de la haute atmosphère terrestre.

Côté américain, la prochaine mission dont le lancement est prévu en avril 2025 se nomme PUNCH (Polarimeter to Unify the Corona and Heliosphere). Particularité, ce coronographe se compose de 4 micro-satellites «de la taille d’une valise» qui voleront en formation sur une orbite terrestre basse. Leur but est d’observer la couronne solaire lointaine, chacun dans une direction différente, pour avoir une meilleure vision en 3D des phénomènes observés. La finalité est de comprendre comment interagissent le vent solaire et les EMC, et de quelle manière les EMC se propagent dans le milieu interstellaire depuis le Soleil jusqu’à la Terre.

Pour finir, la mission Proba-3 (PRoject for On-Board Autonomy) est la 4e mission à faible coût de l’Esa destinée à la mise au point de nouvelles technologies spatiales. Sous les responsabilités du CSL et de l’ORB, elle se compose d’un coronographe en 2 parties. «Deux engins vont voler en formation à 150 m de distance, l’un servant de masque occultant à l’autre, termine Marie Dominique, qui travaille sur le projet. L’objectif est une fois de plus de cibler au mieux le disque solaire pour accéder à la couronne «interne». C’est un véritable défi car les positions respectives des 2 satellites devront être ajustées au millimètre près !» Proba-3 doit décoller en 2024. 


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Mais encore…

Huit artistes pour voyager autour de la Lune

En 2018, le milliardaire japonais Yusaku Maezawa a été le premier client privé à réserver un vol de tourisme spatial à bord d’une fusée Starship de SpaceX. Le fondateur du plus gros site de vente en ligne de vêtements au Japon et collectionneur d’art contemporain vient de dévoiler la liste de 8 artistes qui l’accompagneront courant 2023 pour un voyage de 6 jours autour de la Lune. Les heureux élus sont le DJ et producteur américain Steve Aoki, le youtubeur américain Tim Dodd, l’artiste tchèque Yemi A.D., la photographe irlandaise Rhiannon Adam, le photographe britannique Karim Iliya, le documentariste américain Brendan Hall, l’acteur indien Dev Joshi et le chanteur sud-coréen TOP. Deux remplaçantes ont aussi été sélectionnées pour participer à la mission baptisée dearMoon: la snowboardeuse américaine Kaitlyn Farrington et la danseuse japonaise Miyu. «J’espère que tous utiliseront cette expérience pour apporter à la planète et à l’humanité», a commenté Yusaku Maezawa. 

L’équipe accompagnant Yusaku Maezawa sur cette mission lunaire à bord de la fusée Starship de SpaceX.

Huit artistes pour voyager autour de la Lune

L’Australie a lancé la construction d’un vaste réseau d’antennes dans son immense et désertique arrière-pays. Couplées avec un réseau similaire édifié en Afrique du Sud, les antennes formeront une parabole virtuelle baptisée SKA (Square Kilometre Array). «Ce radiotélescope sera l’une des entreprises scientifiques les plus importantes de l’humanité», a affirmé Philip Diamond, directeur général de l’organisation SKA. Le radiotélescope aura pour mission d’étudier certains des phénomènes cosmiques les plus violents, comme les supernovæ, les trous noirs ou encore les toutes premières traces du Big Bang.

Vue aérienne des antennes du précurseur ASKAP de SKA. Au premier plan, les antennes basses fréquences.

La Belgique augmente son budget pour le secteur spatial

Le conseil des ministres belge a approuvé une enveloppe annuelle de 325 millions d’euros pour les investissements dans le secteur spatial pour la période 2023-2027. La majorité de cette somme est allouée à l’Agence spatiale européenne (Esa), qui voit la contribution belge passer de 255 à 305 millions d’euros par an. Le Plat pays entend ainsi rester «le plus gros contributeur des plus petits pays européens», soit le 5e financier d’Europe au budget de l’Esa. «L’Espace doit permettre de mieux comprendre les effets du réchauffement climatique et donc de réagir plus vite lorsqu’il y a des tempêtes ou des inondations», a précisé Thomas Dermine, le secrétaire d’État en charge de la politique scientifique. 

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