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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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La fin des dinosaures précisée ?

La fin massive des dinosaures ne fait plus réellement l’objet de doutes aujourd’hui; elle serait consécutive à la chute d’un objet massif sur la péninsule du Yucatan (Mexique actuel) il y a 65 ou 66 millions d’années. La disparition n’a pas été immédiate mais a tenu à un bouleversement en cascade qui a affecté autant la flore que la faune. Les massifs sauriens herbivores ont rapidement perdu leur source alimentaire et sont morts d’inanition. Quant aux grands prédateurs et charognards, ils n’ont pas pu leur survivre longtemps en raison de la même réduction de leur alimentation de base.

Rien n’empêche que des dinosaures aient été tués par les effets immédiats de l’impact brutal. C’est ce que semblent révéler des observations faites dans un site de fouille du Dakota du Nord, à près de 3 000 km du lieu de la catastrophe présumée.  Dans ce site, situé à Tanis, les paléontologues ont trouvé – dans une strate datée de l’époque et dans laquelle on a découvert des embryons de ptérosaures – des morceaux d’ambre contenant des fragments de l’astéroïde qui a frappé le Yucatan. Ces fragments, emmenés jusque-là par la puissance de l’explosion, ont donc été considérés par les chercheurs comme une signature de l’astéroïde venu s’écraser sur notre planète. Et l’analyse biochimique a conclu qu’il s’agissait d’un chondrite carboné et non d’une comète, comme généralement suspecté.

Un chondrite carboné, est une météorite indifférenciée riche en carbone, mais également en fer à l’état oxydé. Sa signature géologique est donc spécifique. Quant à la comète, elle est faite d’un amalgame de glace et de poussières, ce qui est tout différent. Dans l’un et l’autre cas, l’objet qui s’est écrasé devait avoir une masse considérable pour avoir eu les effets observés. On sait depuis longtemps vers quelle époque la catastrophe a eu lieu. Si on peut dater les fragments inclus dans l’ambre, on pourra aussi préciser le millénaire, l’année et l’heure. Enfin, presque… Plus sérieusement, on pourra apporter quelques précisions supplémentaires, si toutefois les observations récentes sont avalisées par l’ensemble de la classe scientifique concernée.
Et ça, ce n’est à l’évidence pas gagné…

   Science, 2022; 376: 224

Quel est le (triste) point commun entre le totoaba et le vaquita ?

Pour info: le premier est un poisson et le second, un marsouin, tous 2 habitent le Golfe de Californie. Enfin, habitent s’ils le peuvent encore. Car ils sont hautement menacés par la pollution (sans doute) mais surtout, par la surpêche et les prélèvements illégaux.

Les totoabas (Totoaba macdonaldi), autrefois très prolifiques, font aujourd’hui l’objet d’un braconnage sans réserve, qui fait que les sujets n’atteignent plus la taille qui faisaient leur attrait autrefois. Entretemps, on leur a découvert une autre vertu: ils sont capables d’émettre des sons en frottant leur vessie natatoire comme les muscles adjacents. Leur vessie «musicale» est devenue un mets de choix particulièrement coûteux et recherché par les gastronomes chinois d’autant qu’elle figure aussi dans la pharmacopée du même pays. 

Les totoabas étant en voie d’extinction, la pêche est bien entendu interdite, mais ni les mafieux mexicains, ni le gouvernement n’en ont cure. 

Et le vaquita ? Le Phocoena sinus est un marsouin de petite taille (elle n’excède pas 1,50 m) dont on connaît peu de choses. Et si on veut en savoir davantage, il faut se presser: selon les estimations, il n’en resterait que de 10 à 30 individus et ne ferait l’objet d’aucun élevage compensatoire. Son drame ? Être pris dans les filets des pêcheurs de totoabas; une victime collatérale en somme. Et comme il s’agit d’un mammifère, il doit régulièrement venir respirer en surface, ce que la capture prolongée dans les filets profonds ne permet pas. Et il meurt donc étouffé pour rien, tout comme d’autres mammifères marins (dauphins par exemple). Est-il encore temps de sauver ce discret mammifère ? Rien ne permet de le dire: avec les effectifs restants, on ne peut même plus parler de population, juste de survivants en sursis.

   Science, 2021; 373: 863-864

1. Vessies natatoires de totoabas séchées

2. Totoaba et dans le filet, son dommage collatéral: un vaquita.

Vaccin pour tiques 

Vacciner des candidats potentiels à une maladie infectieuse est une démarche bien assimilée depuis le 19siècle et les premières tentatives fructueuses de Pasteur. Vacciner l’animal vecteur de la maladie est pour le moins original, mais pourtant bien réel. La tentative, récente, concerne la maladie de Lyme, une zoonose identifiée aux États-Unis au cours des années 70. Le pathogène est une borrelie (Borrelia burgdorferi) qui est transmise par piqûre à des humains et des mammifères par une tique du genre Ixodes. L’affection peut se traduire par des symptômes divers en fonction des organes infectés. Mais, identifiée et surtout traitée à temps par antibiothérapie, elle peut être éradiquée dans une majorité des cas. Il n’empêche que cette maladie fait des dégâts puisqu’elle est celle qui vient en premier lieu des affections transmises par un animal à l’homme. Chaque année, on recenserait près de 500 000 cas rien qu’aux États-Unis. Compte-tenu de sa fréquence, un vaccin est à l’étude, visant à protéger les humains à risque. Mais une alternative pourrait bien de voir le jour avant. Elle consiste à traiter directement les tiques elles-mêmes. Insensé ? Peut-être pas.

L’idée est née de la stratégie anti-Covid mise en place qui a eu recours à des vaccins à ARN. Dans ce type de traitement, ce n’est pas une protéine particulière du parasite (ou de l’agent infectieux en général) qui est injectée, mais l’ARN messager qui lui correspond. Il revient alors au corps de l’individu qui reçoit ce vaccin de synthétiser lui-même la réponse à cette protéine. Les premiers essais ont été réalisés chez le cobaye et se sont montrés concluants. Et ce n’est pas un seul ARN qui a été retenu, mais 19. De quoi donner un maximum d’efficacité au frein mis à toute attaque de l’insecte piqueur. Et c’est bien ce qui a été observé: non seulement la «morsure» de la tique prend elle une allure bien visible (ce qui est rarement le cas) mais l’insecte piqueur aspire peu de sang et tombe beaucoup plus vite, donnant moins de chance au pathogène de passer dans le sang de l’organisme piqué.

Ce qui est innovant, c’est que pour une fois, ce n’est pas le pathogène lui-même qui est visé par le vaccin, mais bien celui qui le transporte. C’est, toute proportion gardée, ce qui se passe dans les guerres: ce ne sont pas les armes qui sont visées, mais ceux qui les transportent. Voilà donc une stratégie vaccinale d’un genre nouveau à tester et à mettre en application si c’est possible. Et ce ne sera pas du luxe: on considère qu’en 2020, 1,6 million de personnes souffraient de séquelles à long terme de la maladie identifiée et soignée trop tardivement.  

   Science, 2021; 374: 925

Excès de poids et fécondité

Il suffit d’être juste un peu observateur pour se rendre compte de l’accroissement du surpoids et de l’obésité dans les populations occidentales. Mais apparemment, si effets indésirables il y a, ils peuvent passer le cap générationnel, par médicament interposé. La plupart des cas de diabète évoqués sont de type 2, c’est-à-dire associés à un excès alimentaire lui-même aidé parfois par un dérèglement du contrôle de la satiété. Ce qui a également changé, c’est l’âge auquel ces signes deviennent patents. Si à une génération de distance d’ici, ils affectaient jadis plutôt des sujets d’âge mûr, ils concernent de plus en plus aujourd’hui des jeunes sujets, toujours sans enfant, et qui peuvent désirer en avoir. Comme les autres diabétiques plus âgés, les jeunes se voient prescrire de la Metformine, un médicament efficace et bon marché qui freine la recapture sanguine du sucre et réduit l’insulinorésistance. C’est un médicament de première intention dans cette pathologie qui est prescrit depuis longtemps avec succès, et qui le restera longtemps encore sans doute.

Sauf qu’une étude épidémiologique menée au Danemark sur les garçons conçus par des hommes sous Metformine montre que des malformations sont plus fréquemment observées chez eux que dans la population générale. Celles-ci peuvent être multiples, mais affectent préférentiellement les systèmes digestif, urinaire, cardiovasculaire et génital. Parce que d’emblée plus visible, c’est ce dernier qui a donné l’alerte: on a en effet noté des cas plus fréquents d’hypospadias, une anomalie de la verge pour laquelle l’ouverture n’est pas terminale mais situés à la base, juste au-dessus du scrotum. Les anomalies restent cependant relativement rares; pour l’hypospadias, l’accroissement par rapport à la fréquence habituelle n’est que de 0,9%. Mais sachant que l’étude a porté sur 1,1 million de garçons nés entre 1997 et 2016, cela peut faire beaucoup en valeurs absolues. Ce qui rend tout de même l’observation un peu angoissante, c’est que le nombre d’hommes qui se voient prescrire la molécule responsable est en évolution permanente. Aux États-Unis, par exemple, 86 millions d’obèses prenaient ce médicament en 2019 alors qu’ils n’étaient «que» 41 millions 15 ans plus tôt, soit moins de la moitié.

Mais une précision essentielle est à apporter: l’effet tératogène (1) de la Metformine n’est observé que quand le futur père le prend dans les 3 mois qui précèdent la conception de l’enfant, soit au cours de la formation du spermatozoïde destiné à féconder l’ovule. Comme le tabagisme, on peut donc suspecter un effet épigénétique. L’observation mérite d’être validée par d’autres études menées ailleurs qu’au Danemark. Mais un élément ressort déjà de ce que l’on sait dorénavant: c’est au cours des 3 mois qui précèdent la conception qu’une suppression – si elle est possible – du médicament doit être envisagée, sur avis médical. Elle peut être valablement compensée par un changement dans les habitudes alimentaires et par un peu plus de pratique sportive. L’«effort» n’est prévu que pour 3 mois, le temps pour le futur spermatozoïde fécondant de finaliser sa maturation. Mais il n’est jamais certain que la conception sera au rendez-vous quand on l’attend. Il est donc nécessaire, par anticipation, de concevoir cet effort sur un plus long terme…

   Science, 2022; 376: 16-17

 
Maman: bobo !

La douleur est une perception qui fait l’unanimité chez les humains: on ne l’aime pas. On en connaît parfois la cause: un traumatisme, les suites d’une intervention, une carie dentaire… mais parfois pas, quand elle affecte un processus interne. Elle peut être de courte durée ou s’inscrire dans le temps et devenir chronique. Elle est aussi à composantes multiples; des personnes peuvent subir sans broncher une petite intervention sans anesthésie, d’autres ressentent une douleur annoncée avant même qu’elle ne survienne. Cette perception est donc à géométrie hautement variable, à tel point que certains ne la ressentent tout simplement pas. Un avantage ? Pas vraiment, car la douleur est un signal d’appel. Quand on a posé la main sur la plaque chaude d’une cuisinière par exemple ou quand un de nos organes a la mauvaise idée de dysfonctionner.

On connaît l’origine de la douleur: elle tient pour l’essentiel au gène Prdm12. Ce gène code pour une protéine, appelée «Protéine 12 au domaine en doigt de zinc». Elle doit son nom à son domaine actif qui mérite son côté plissé (en forme approximative de doigts) à la présence d’ions zinc. Le plus important est sa fonction: réguler la chaîne biochimique qui mène à la mise en place des structures nociceptives chez les embryons aussi bien qu’à leur bon fonctionnement chez les enfants et les adultes. Elle agit directement sur la chromatine (la matière constitutive du noyau cellulaire) à l’endroit où se trouvent les gènes dont elle assure le contrôle. On a également attribué à cette protéine une action antitumorale en cas de leucémie myéloïde chronique.

Comme tout gène, Prdm12 peut bien entendu muter et c’est cette mutation qui rend ceux qui la portent insensibles à la douleur. Mais comme tout gène aussi, celui-ci peut se montrer sensible à l’action d’effecteurs qui vont moduler son expression, c’est-à-dire sa traduction en protéine. C’est précisément dans cette voie que se sont conjointement engagés des chercheurs belges de l’ULB et de L’UMons. Ils ont montré que chez l’adulte, le gène n’est plus indispensable à l’entretien des terminaisons nerveuses sensibles (les nocicepteurs), mais qu’il continue son rôle de contrôleur du réseau de gènes impliqués dans la sensibilité de ces récepteurs. Le recours à des souris mutantes pour le gène a montré que celles-ci se montraient moins sensibles au produit actif du piment (la capsaïcine) alors qu’elles l’étaient davantage à la douleur inflammatoire due au formol.

Gérer la douleur en marge d’une intervention opératoire ou dans le décours d’une maladie est une quête ancienne pour le monde biomédical et les antidouleurs ne manquent pas dans la pharmacopée. Mieux connaître les voies complexes par lesquelles les différents types de douleurs sont manifestées ou prises en charge par l’organisme, permet toutefois d’envisager la mise au point de traitements très spécifiques permettant de n’activer qu’une seule voie de nociception, en préservant les autres. Opérer une «frappe chirurgicale», en somme. C’est sans doute pour demain.

   PAIN: 24 décembre 2021. doi: 10.1097/j.pain.0000000000002536}

 
 
 

BIOZOOM

On le croirait tout droit sorti d’un conte de fées, le laccaire améthyste (Laccaria amethystina),  aussi connu sous le nom de Clitocybe améthyste ou Mousseron violet, est un petit champignon comestible ! Il pousse généralement de la fin de l’été au début de l’hiver dans les bois humides de conifères ou de feuillus, surtout au pied des hêtres ou des chênes. Il est dès lors très répandu dans l’hémisphère nord. Outre sa couleur, sa particularité est d’être extrêmement hygrophane: il blanchit lorsqu’il sèche et reprend sa jolie couleur pourpre dès qu’il est humide ou mouillé. 

 

(1) Qui, par son action sur l’embryon, peut produire des malformations.

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