Technologie

Surf : des technologies de plus en plus green

Virginie CHANTRY • virginie.chantry@gmail.com 

©Cavan – stock.adobe.com, ©RUSSELL ORD, ©Ocean guardian, ©ADDICTIVE STOCK CORE –
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Quand on parle de surf, la Belgique n’est en général pas le premier pays auquel on pense. C’est sans compter sur les créateurs belges de planches et sur les spots «surfer-friendly» de la Mer du Nord comme le Surfer’s Paradise à Knokke-Heist, le Blankenberge Pier ou encore le Ollie’s Point situé entre Ostende et Nieuport. Planches de surf en plastique recyclé, à base d’algues, dotées d’un squelette en bois ou lumineuses font du surf un sport de glisse où la technologie se développe vite et surtout, qui est en pleine transition verte. Enfilez votre combi et plongez dans l’océan technico-technologique de ce sport désormais olympique !

 
«Surfboard shaper
» signifie «façonneur de planches de surf». Ce métier, que l’on pourrait croire réservé à des contrées telles que la Californie, Hawaï ou l’Australie, est pourtant bien présent sur le sol belge. Certains ne manquent pas d’imagination quand il s’agit de rendre plus eco-friendly leur activité préférée soumise au «paradoxe du surfeur». En effet, les amateurs de vagues aiment l’océan et (la majorité d’entre eux) respectent la nature. Cependant, la pratique de cette passion implique l’utilisation de plastique et/ou de matériaux toxiques pour l’écosystème marin. Plusieurs démarches écoresponsables et plus circulaires sont donc en train de voir le jour un peu partout autour du globe, notamment au Portugal avec Ondanova, une marque lancée par le bruxellois Antoine Thys.

Écologie et technologie

En un mois environ, ce shaper peut réaliser une planche ou «board» sur mesure dont le prix varie en fonction de la longueur et des spécificités demandées par le surfeur. Les planches sont conçues par le belge grâce à un logiciel 3D de CAO (Conception Assistée par Ordinateur). Cela lui permet de tester des idées et de simuler les performances d’une planche afin de pouvoir valider sa création avec le client. Ses planches se composent d’un squelette en bois de Paulownia, résistant et léger. Cet arbre d’origine asiatique pousse rapidement et facilement. Antoine Thys l’importe de France ou d’Italie et bientôt, il l’espère, du Portugal. Le squelette est produit mécaniquement, alors que toutes les étapes suivantes du processus sont manuelles. Une fois la planche façonnée, elle est enduite de résine époxy (1) d’origine biosourcée afin de la rendre imperméable. Grâce à ce choix de procédé, l’utilisation de fibre de verre et de résine est réduit par rapport aux techniques classiques de façonnage de pains de mousse en polystyrène ou polyuréthane (2), tout en conservant résistance et légèreté, avec le gros avantage d’une durabilité supérieure. En parallèle, pour certains types de planches, une technique alternative est en cours de développement et implique l’utilisation de vernis à base d’eau et d’huile dure (souvent d’origine minérale ou végétale qui durcit et forme un film protecteur) pour enduire le bois. Le shaper belge propose également des ateliers DIY (Do It Yourself, «Fais-le toi-même») de 3 jours qui donnent la possibilité de créer sa propre planche customisée de A à Z.

Le surf est soumis à un paradoxe: les pratiquants ont un profond respect pour l’océan alors qu’ils utilisent des matériaux qui ont souvent un impact négatif sur l’environnement. Peu à peu, les consciences s’éveillent et les prémices d’une réconciliation entre surfeurs et nature commencent à émerger

Matières premières

Le bois n’est pas la seule matière alternative dont peuvent être composées les planches. La marque australienne Spooked Kooks utilise des déchets plastiques recyclés post-consommation pour réaliser certaines parties des boards comme l’envers ou le leash plug (pièce de fixation). De plus, pour chaque planche fabriquée, un palétuvier est planté sur l’île indonésienne de Biak afin de compenser l’empreinte carbone de la création de la planche. Cet arbre absorbe plus de 300 kg de CO2 tout au long de sa vie.

De son côté, la marque emblématique américaine Arctic Foam a opté pour une mousse durable à base de matières premières surprenantes. En 2018, ils ont entamé une collaboration avec 3 biochimistes de l’Université de Californie de San Diego et avec l’entreprise Algenesis fondée par l’un des 3 scientifiques et spécialisée dans la recherche de matériaux pouvant remplacer le traditionnel plastique d’origine pétrosourcée. De cette association est né un pain de mousse à base d’algues marines qui, après traitement (lavage, séchage, broyage…) et une fois mélangées avec certains additifs, donnent un matériau aux propriétés thermoplastiques. Cependant, il s’avère que les planches produites ont un problème de flex (équilibre entre flexibilité et résistance): elles sont trop peu rigides et pas assez résistantes dans le temps. L’équipe d’Arctic Foam reprend alors le chemin du labo et parvient à une autre idée: utiliser des coquilles de noix pour réaliser des pains de mousse en polyuréthane plus durable. Cette Arctic Bio Foam passe tous les tests, y compris celui de la pratique. Et les résidus des coquilles de noix utilisées en production sont pressés afin de réaliser une huile utilisée comme fertilisant pour le sol, ce qui ne gâche rien.

En parallèle, d’autres acteurs du secteur ont décidé de tirer parti de la mousse réalisée à base d’algues. Un bon exemple est l’entreprise Bloom dont le matériau breveté Rise (anciennement appelé Bloom Foam) a également été pensé pour se substituer aux mousses à base de matériaux pétrosourcés. Rise est constitué d’au minimum 45% de matériaux renouvelables provenant de la biomasse (algues) et d’additifs biosourcés. Grâce à cela, Bloom peut se targuer de participer à l’élimination de l’excès d’algues nuisant à l’écosystème marin et d’aider à la captation du CO2 de l’atmosphère en séchant ces dernières au soleil avant transformation. Les produits à base de Rise sont plus durables et absorbent mieux les chocs tout en étant plus légers que les mousses conventionnelles. Cela en fait un bon matériau pour les traction pads (ou grips), plaques antidérapantes souvent positionnées à l’arrière de la planche et donnant une meilleure adhérence au surfeur tout en limitant l’utilisation de cire (ou wax) dont le surfeur enduit sa planche afin de la rendre moins glissante. La marque de la légende américaine du surf Kelly Slater, dont le nom doit parler aux fans de la série Alerte à Malibu – Slater Designs – a d’ailleurs conçu un pad en cette matière. 

LES GRANDES ÉTAPES DE  CRÉATION D’UN BOARD… POUR LES NULS

1) Concevoir le modèle de planche souhaité (longueur, épaisseur, courbure, profil, ailerons…) et choisir le matériau, en général un pain de mousse en polyuréthane ou polystyrène.

2) Sculpter la forme désirée. Dans l’ordre: découpe grossière, dégrossissement et enfin arrondissement des rails (contours de la planche).

3) Sculpter les fins (ailerons) qui, en résumé, donnent stabilité à la planche et permettent au surfeur de pivoter.

4) Construire et installer les boîtiers d’encastrement des ailerons, mais aussi du leash (laisse) qui permet d’attacher la planche au pied du surfeur. Dans le premier cas on parle de fin boxes et dans le deuxième de leash plug. Il faut également prévoir des fin plugs si les ailerons sont amovibles.

5) Stratifier la planche dans le but de l’imperméabiliser et de la rendre plus résistante, étape aussi appelée glaçage et qui consiste à envelopper le pain de mousse d’un tissu (en fibre de verre ou de lin par exemple) imprégné de résine qui peut être colorée afin de conférer également son aspect esthétique à la planche.

6) Poncer la planche.

7) L’enduire de vernis, mat ou brillant.

8) Fixer les fins (auparavant sculptés et traités) et la leash sur le board (et là vous parlez comme un connaisseur).