Qui est-ce?

Rita LEVI-MONTALCINI

Jacqueline Remits •  jacqueline.remits@skynet.be

© Rita Levi-Montalcini – creative.belgaimage.be

 
Je suis…

L’une des 13 femmes à avoir reçu le prix Nobel de médecine. Avec ma sœur jumelle Paola, je suis la benjamine d’une famille de 4 enfants. Mon père, Adamo Levi, est ingénieur, ma mère, Adele Montalcini, peintre. En 1930, après avoir vu ma gouvernante préférée mourir d’une leucémie, je décide, à 20 ans, d’entreprendre des études de médecine contre l’avis de mon père qui estime qu’une carrière m’empêcherait d’être une bonne épouse et mère. Mais comme je l’ai dit dans une interview, «à 3 ans, je savais déjà que je ne deviendrai jamais ni épouse ni mère. J’ai été influencée par le rapport victorien qui subordonnait ma mère à mon père. En ces jours-là, être née femme voulait dire avoir imprimé sur la peau une marque d’infériorité». Je suis née anticonformiste et j’en suis fière ! En 1936, j’achève brillamment mes études pendant lesquelles je me suis découvert une passion pour la neurologie. Après avoir été son élève, je deviens l’assistante du Professeur Giuseppe Levi. En 1938, la promulgation des arrêtés de Mussolini et l’introduction des lois interdisant aux juifs des carrières académiques m’empêchent de poursuivre ma spécialisation en neurologie et en psychiatrie et m’obligent dès lors à quitter le pays. Je pars m’installer à Bruxelles, où je travaille pour un institut de neurologie. C’est alors qu’éclate la Seconde Guerre mondiale et lorsque l’armée allemande envahit la Belgique, je retourne à Turin. Comme je ne peux pas exercer la médecine, j’installe un laboratoire de fortune dans ma cuisine où je mène mes premières expérimentations sur la croissance des fibres nerveuses en faisant des expériences sur des embryons de poulets. Dès 1943, l’avancée des forces allemandes me pousse à m’enfuir de nouveau et à vivre terrée dans des caves à Florence jusqu’à l’arrivée des Alliés l’année suivante. Pendant cette période, je suis proche de la Résistance et soigne des malades du typhus. Dès la Libération, je reprends mon travail en neurogénèse. Mes découvertes sur les poulets, pourtant réalisées dans des conditions sommaires, me valent une invitation de l’Université Washington (Saint-Louis, Missouri, USA) pour y travailler sous la supervision du Professeur Viktor Hamburger. Je suis nommée assistante en 1951, puis professeur à temps plein en 1958. Alors que l’invitation initiale prévoyait un séjour d’un semestre, j’y resterai 30 ans en tant que chercheuse et enseignante. J’établis ensuite une unité de recherche à Rome et je partage dorénavant mon temps entre la Ville Éternelle et Saint-Louis. À partir de 1961, je dirige un programme de recherche commun à l’Université Washington et au Centre de recherche en neurobiologie du Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR) à Rome. Puis, de 1969 à 1978, le Laboratoire de biologie cellulaire de Rome. Mes recherches portent essentiellement sur la neurogénèse, le développement des tissus nerveux et l’action d’un facteur de croissance très actif sur les neurones adrénergiques. 

 
À cette époque…

Alors que je décroche mon diplôme, en 1936, Hitler inaugure les Jeux Olympiques de Berlin en faisant de la propagande nazie. En 1946, en France, se déroule le premier festival du film de Cannes. C’est aussi l’année de la naissance de Bill Clinton, futur président des États-Unis. De mon côté, cette année marque mon départ pour les États-Unis. D’où je verrai, en 1957, la naissance de la Communauté économique européenne (CEE), qui a pour objectif de mener une intégration économique entre l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Elle comptera finalement 12 pays, qui formeront l’Union Européenne. En 1961, alors que je dirige le centre de recherche en neurobiologie à Rome, le russe Youri Gagarine entame son vol spatial à bord de la capsule Vostok 1. Il entre dans l’Histoire en devenant le premier homme à voyager dans l’espace. C’est suite à ce succès russe que les États-Unis lanceront la mission Apollo, qui mènera aux premiers pas de Neil Amstrong et Buzz Aldrin sur la Lune. Un autre moment historique qui marquera la conquête spatiale. Les années 70 qui suivront verront le développement dans le monde du reggae, du hard rock, du fameux Rubik’s Cube et des jeux vidéo, dont le célèbre Pong. La décennie suivante sera surtout connue pour la fin de la guerre froide qui avait débuté 40 ans plus tôt. La chute du mur de Berlin, le 10 novembre 1989, est un symbole important de la fin de cet affrontement. C’est à cette époque aussi que l’on découvre le VIH et ses ravages, tandis que les technologies surtout numériques, dont la télévision par satellite, sont en plein essor.

 
J’ai découvert…

Le premier facteur de croissance, une famille de molécules essentielles au développement de l’organisme, qui stimule et module la croissance des neurones. En 1952, je parviens à isoler le facteur de croissance des cellules nerveuses, grâce à mes observations de certains tissus cancéreux qui provoquent une croissance rapide des cellules nerveuses. Ce facteur est le premier représentant d’une longue série de molécules appelées facteurs de croissance, identifiés sur les animaux. Je démontre ensuite que ces tumeurs entraînent une croissance similaire des cellules de tissus nerveux mises en culture et maintenues en vie en laboratoire. Ce facteur joue un rôle important dans la coordination entre les systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire qui maintiennent l’état de santé d’un organisme. Avec Stanley Cohen, qui m’avait rejointe à l’Université Washington et avait isolé le NGF (Nerve-Growth Factor) de la tumeur, je suis lauréate du prix Nobel de physiologie ou médecine en 1986 pour la découverte des facteurs de croissance des cellules nerveuses. Cette découverte «d’une importance fondamentale», selon les motivations du jury, a permis de mieux comprendre le développement du système nerveux et de faire d’énormes progrès dans l’étude des maladies cérébrales comme la maladie d’Alzheimer, des complications neurologiques liées au diabète et de certains phénomènes cancéreux. Comme s’accordent à le dire les spécialistes du cerveau aujourd’hui, notre organe peut en permanence produire de nouveaux neurones, comme je l’avais avancé. Comme je le disais souvent, «j’ai pu faire ma découverte parce que j’étais la seule à travailler dans ce domaine spécifique de la neurologie. J’étais seule au milieu d’une jungle, je ne savais rien ou presque rien. Tout savoir, souvent, entrave le progrès. Trois passions simples ont gouverné ma vie: la recherche de la connaissance, la soif d’amour et une poignante compassion pour la société». 

  

Saviez-vous que…

Rita Levi-Montalcini a milité pour qu’on soit moins effrayé par la vieillesse, et qu’on en parle en des termes plus élogieux. Elle voulait prouver qu’il y a des raisons de se réjouir de vieillir parce que notre cerveau continue de créer de nouvelles connexions entre les neurones, même à un âge avancé. Selon elle, «le cerveau ne s’use que si l’on ne s’en sert pas».

En 1992, elle a créé, avec sa sœur jumelle, la Fondation Levi-Montalcini en mémoire de leur père et consacrée à la formation et l’éducation des jeunes générations. En 2001, elle l’a transformée en une nouvelle Fondation Rita Levi-Montalcini qui se focalise sur l’éducation et l’octroi de subventions pour les étudiantes africaines dans le but de soutenir celles qui pourraient jouer un rôle de premier plan dans la vie scientifique et sociale de leur pays. Figure importante du féminisme, elle a créé plusieurs écoles dédiées aux femmes en Afrique.

Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), première femme présidente de l’Encyclopédie italienne, elle a été membre des plus prestigieuses académies scientifiques et nommée Sénatrice à vie. Les 28 et 29 avril 2006, alors âgée de 97 ans, elle a ouvert la législature du Sénat italien et participé activement aux discussions de la Chambre haute, bien qu’occupée à des activités académiques autour du monde. Infatigable et presqu’aveugle, elle s’est rendue chaque jour à son laboratoire romain pour travailler. «Que le corps fasse ce qu’il veut. Je ne suis pas mon corps, je suis mon esprit», disait-elle.

Sa vie et son œuvre, tant elles ont été riches, ont inspiré une pièce de théâtre, Les paroles de Rita. Pour la connaître davantage, certains de ses livres sont parus en français: Éloge de l’imperfection (Éditions Plon); L’atout gagnant: À un âge avancé, notre cerveau garde des capacités exceptionnelles que chacun peut utiliser (Éditions Robert Laffont).

Jusqu’à sa mort, elle a été la lauréate la plus âgée et celle ayant vécu le plus longtemps de tous les prix Nobel.



Naissance 

22 avril 1909, Turin (Italie)

Décès

30 décembre 2012, Rome (Italie)

Nationalité

Italienne – Américaine

Situation familiale 

Célibataire 



Diplôme 

Médecine à l’Université de Turin

Champs de recherche 

Facteurs de croissance

Distinctions 

Prix Nobel de physiologie ou médecine (1986)

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