Curiokids

Où sont les femmes ?

Laetitia MESPOUILLE • info@curiokids.net

©BELGAIMAGE, Huesca/Wiki CC BY-SA 3.0, Qiān tú wǎng/Pngtree.com – ADN, Museum of London –
Rosalind Franklin –    Peter Elliott

Nous allons te demander de prendre tes crayons, et de dessiner des scientifiques ! Que nous dessineras-tu ? Y aura-t-il des fossiles de dinosaures ? Des planètes ? Des volcans ? Des virus ? Des produits chimiques ? Mais surtout, dessineras-tu un homme ou une femme en tenue de savant fou ? 

  

  

Avoue que tu ne t’attendais pas à cette question ! Mais figure-toi qu’elle est très importante. Car si tu vois beaucoup d’hommes et de femmes travailler dans différents secteurs, le domaine des sciences est encore considéré comme un monde masculin. Les choses changent, mais savais-tu qu’il y a encore quelques années, très peu de femmes étudiaient les sciences ou les mathématiques ? Certains disaient carrément que les femmes n’étaient pas destinées aux travaux intellectuels ! Pire: que la nature ne leur avait pas donné de cerveau adapté pour «faire» des sciences. Tu y crois, toi ? Pourtant, des femmes incroyables ont révolutionné les sciences grâce à leurs découvertes. Et dans un monde qui ne voulait pas d’elles, certaines ont développé plein d’astuces et de stratagèmes pour faire connaître leurs découvertes extraordinaires. Aujourd’hui, en Europe, rétablir l’équilibre est devenu une priorité dans le secteur de la recherche. 

Sorcières ou scientifiques ?

Quand sont nées les femmes «scientifiques» ? Depuis l’Égypte ancienne, soit 3 000 ans av. J.-C., les premières «chimistes» et «pharmaciennes» ont accumulé un savoir ancestral, hérité de leur mère et de leur grand-mère, pour soigner les gens. Elles cultivaient des plantes médicinales, préparaient des remèdes avec ces dernières, utilisaient les produits naturels comme les argiles, pour guérir humains et animaux. C’est donc d’immenses connaissances que ces femmes emmagasinaient, ainsi qu’un savoir-faire digne d’un laborantin. Si bien qu’au cours des siècles, les premières écoles de médecines sont apparues. Dès le 14e siècle, la médecine est devenue une discipline théorique mais que seuls les hommes pouvaient étudier. L’approche naturelle des femmes, basée sur l’observation et la transmission du savoir, a très vite été vue comme de la sorcellerie. Au Moyen-âge, les guérisseuses et leurs remèdes étaient même considérées comme des sorcières et pourchassées. À l’époque, qu’une  femme ait des connaissances était un péché et une attitude diabolique pour l’Église. Elles étaient alors brûlées sur le bûcher. Ainsi, beaucoup de femmes ont été tuées pour leur  savoir et leur savoir-faire.  

  

L’idée que les filles ne soient pas capables d’étudier les sciences et de faire de la recherche ne date donc pas d’hier. Depuis l’Antiquité déjà, la société attend des femmes qu’elles soient de bonnes épouses et de bonnes mères. C’est la place qui leur a été donnée dans la société. Pour qu’elles y restent, l’accès aux études leur a longtemps été refusé. Certains, comme le médecin Paul Broca en 1861, ont même clamé et tenté de prouver scientifiquement que leur cerveau était trop petit et donc inférieur à celui des hommes pour réfléchir sur des choses aussi sérieuses que les sciences et les mathématiques. Pardon ? C’est une blague ?

Nous savons aujourd’hui que c’est faux mais ces idées sont longtemps restées ancrées dans l’esprit des gens. Si bien qu’il était difficile pour les jeunes filles de l’époque d’avoir l’accord de leurs parents pour étudier les sciences. Certaines étaient malgré tout soutenues par leur famille, mais c’était alors souvent l’Université et les professeurs qui leur claquaient la porte au nez.

  

  

  

LE TRUC DE OUF

Pas 1, mais 2 Prix Nobel raflés par Marie Curie !

Marie Curie, la plus célèbre des femmes scientifiques, a reçu 2 Prix Nobel. Elle est la seule scientifique dans ce cas dans des disciplines scientifiques. Le 1er est un Prix Nobel de Physique pour sa découverte, avec son mari Pierre et leur ami Henri Becquerel, de la radioactivité en 1903. Ensemble, ils découvrent aussi 2 nouveaux éléments chimiques eux-mêmes radioactifs: le polonium et l’uranium. 

Après la mort accidentelle de son mari en 1906, Marie Curie devient la 1e femme professeure à l’Université de la Sorbonne. Un exploit pour l’époque. Elle poursuit ses travaux de recherche bien sûr, tout en éduquant ses enfants. Son travail se voit très vite récompensé par un 2e prix Nobel –  de chimie cette fois – pour ses progrès réalisés sur des matières radioactives. Elle fréquentera les plus grands scientifiques de son époque,dont Albert Einstein, qui deviendra un ami. 

Malignes comme des singes

Quand tout le monde s’oppose à tes études, à tes recherches ou à t’offrir une bourse, voire un salaire, tu dois inventer des stratégies pour contourner les problèmes. Ces femmes de sciences, brillantes et passionnées, avaient plus d’un tour dans leur sac pour poursuivre leur passion.

Marie Meurdrac, par exemple, est une des premières chimistes à s’être faite remarquer. Nous sommes au 17e siècle. Mariée très jeune à un militaire, elle passe ses journées aux côtés de la comtesse du château de Grosbois. À l’époque, la chimie est volontiers considérée comme une science de femme. Après tout, ce sont bien elles qui préparent les remèdes médicaux ou les solutions miracles pour nettoyer ! Cependant, elles sont exclues dès qu’on parle de théorie. Marie, soutenue par la comtesse, crée alors son propre laboratoire au château et y fait de nombreuses expériences. Elle accumule tellement de résultats qu’elle souhaite les partager. Mais à l’époque, une femme se devait d’être discrète et ne pouvait pas faire étalage de ses connaissances. Mais Marie est convaincue que ses découvertes peuvent aider les femmes dans leur quotidien. Alors, elle se décide à publier un traité, le premier écrit par une femme, pour les femmes. Malin ! Ses instructions sont tellement précises qu’il devient très populaire, au point qu’il sera aussi traduit en allemand et en italien. 

Un peu plus tard, au 18e siècle (celui dit des Lumières), la mathématicienne française Sophie Germain se faisait passer pour un garçon pour correspondre avec le célèbre mathématicien allemand Carl Friedrich Gauss. Tout comme Émilie du Châtelet qui, elle, se déguisait carrément en homme pour participer aux discussions sérieuses des grands penseurs au café Gradot à Paris. La demoiselle, membre de la cour Royale, s’ennuyait parfois parmi les dames. Très coquette et habituée à porter des toilettes luxueuses, elle n’en était pas moins une brillante mathématicienne et physicienne. Elle travaillait sur les énergies des corps en mouvement et sur la traduction des travaux de Newton. Pour participer aux conversations du café Gradot, elle troquait donc robe et jupons contre pantalon et veston. Une révolution pour l’époque. Si ces messieurs l’avaient su…

  
Et aujourd’hui ?

Tu le sais, les femmes représentent la moitié de l’humanité. Bien qu’il y ait des différences anatomiques notables, hommes et femmes ont les mêmes aptitudes pour mener la recherche et diriger des entreprises dans le secteur des sciences. Tous les portraits de femmes scientifiques que tu découvres ici le démontrent. Elles sont non seulement de grandes scientifiques, mais aussi des femmes passionnées et courageuses. Aujourd’hui, le nombre de femmes actives dans les branches scientifiques et mathématiques a fortement augmenté.  En physique, en mathématique et en océanographie par exemple avec une moyenne de 42% de diplômées. En biologie, le taux de diplomation dépasse même les 60%. Bravo ! Cependant, il reste des secteurs où elles sont toujours sous-représentées: ainsi, seuls 20% des ingénieurs diplômés sont des femmes, même chose en informatique. Bien que le nombre de femmes diplômées en sciences progresse, on constate encore qu’en Europe, elles sont moins nombreuses à être professeure universitaire ou à publier des articles scientifiques. L’Union européenne y est très sensible et travaille pour rétablir l’égalité, favoriser l’égalité salariale, améliorer les conditions de travail, les protéger contre la violence, etc.

C’est important pour les femmes, mais aussi pour les hommes ! L’objectif n’est-il pas de faire de nouvelles découvertes scientifiques et de créer de nouvelles technologies révolutionnaires ? Pour cela et pour faire changer les mentalités, nous avons autant besoin d’hommes que de femmes, créatifs, motivés et passionnés par leur travail.

  

  

  

BIG DATA

57

c’est le nombre de femmes ayant reçu un Prix Nobel entre 1901 et 2020, que la discipline soit scientifique ou non. 
57 femmes pour 873 hommes, cela représente 4% des lauréats

2,5%

c’est le pourcentage de femmes ayant reçu un prix Nobel en sciences naturelles 
ou en médecine

 

47%

est le pourcentage de femmes ayant réalisé un doctorat 
en Europe des 28 (Eurostat en 2016)

35 ans

c’est l’âge auquel Nettie Stevens décide de quitter son travail d’institutrice pour étudier la biologie à l’Université de Stanford. La généticienne américaine a fait l’une des plus grandes découvertes scientifiques du 20e siècle: que le sexe de chaque individu est déterminé par des caractères chromosomiques

Le selfie du jour 

Maé Jemison: de Star Trek à la Nasa

Dans la série Star Trek, on peut voir des femmes, des hommes et des créatures très bizarres travailler tous ensemble. C’est ce que constate Maé Jemison. Cette petite Américaine, passionnée d’astronomie, se dit qu’elle aussi pourrait aller dans l’espace, malgré qu’elle soit une fille et noire qui plus est. Elle fait alors de brillantes études pour devenir ingénieure en chimie et ensuite, docteure en médecine. Rien que ça ! Son diplôme en poche, elle poursuit son rêve et se fait engager à la NASA comme astronaute. Elle sera la 1e femme noire afro-américaine à aller dans l’espace. En 1993, à 37 ans seulement, elle fonde sa société, BioSentient Corporation, qui crée des dispositifs permettant aux médecins d’étudier les problèmes du système nerveux. Elle est sélectionnée pour le projet 100 Year Starship avec pour objectif d’assurer aux êtres humains de voyager vers le prochain système solaire. Elle a même fait une apparition dans la série Star Trek: La Nouvelle Génération ! Une vraie star !

LE P’TIT DICO

Prix Nobel: récompense internationale créée en 1901, décernée à des personnes «ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité». Il existe 6 catégories: physique, chimie, physiologie/médecine, littérature, paix et depuis peu, économie.

La radioactivité est la propriété de certaines substances instables qui émettent des radiations en se décomposant. 

Les fossiles sont les restes d’êtres vivants morts il y a très longtemps et qui se sont «transformés» en pierre après avoir été ensevelis sous terre.

L’étoile est un astre céleste qui rayonne sa propre lumière.

Le gène est une partie de chromosome. Il reprend toutes les instructions qui définissent nos caractéristiques.

L’ADN est une immense molécule repliée dans le noyau des cellules. C’est lui qui contient toutes les instructions nécessaires au bon fonctionnement de notre corps.

  
ELLES NE FUMENT PEUT-ÊTRE PAS LE CIGARE MAIS…

1. CECILIA PAYNE

Connaître la couleur des étoiles et les classer par ordre de température, en voilà une découverte ! Mais Cecilia Payne ne s’arrête pas là. Savais-tu qu’elle a prouvé que notre Soleil est composé d’hydrogène et d’hélium ? Et que la composition des étoiles est différente de celle des planètes ? Née en 1900 en Angleterre, c’est une enfant prodige, à ce point douée pour les sciences qu’elle obtient une bourse pour intégrer la célèbre Université de Cambridge. Passionnée d’astronomie, elle y étudie la physique, aux côtés des hommes ! Cependant, aussi douée soit-elle, l’université de Cambridge n’offre aucune place aux femmes diplômées. Qu’à cela ne tienne, elle prend le bateau et part aux États-Unis, pour travailler à Harvard. C’est là-bas qu’elle deviendra la 1e femme chef du département d’astronomie et fera des découvertes majeures. En étudiant les spectres de couleurs des étoiles, elle fait le lien entre la couleur et leur température. Ses recherches choquent le Professeur Russel qui la dissuade de publier. Cependant, 4 ans plus tard, il change d’avis, déclarant qu’elle avait raison. Ouf ! Cecilia fera plus de 1 250 000 observations d’étoiles. Et aujourd’hui, un astéroïde porte même son nom. 

2. ROSALIND FRANKLIN 

En 1950, les scientifiques avaient déjà découvert les gènes. Ils savaient donc que ceux-ci définissent la couleur de nos cheveux, de nos yeux, la taille de notre corps ou encore, le fait d’être une fille ou un garçon. Mais personne ne savait à quoi ils ressemblaient et de quoi ils étaient faits. Jusqu’aux travaux de l’anglaise Rosalind Franklin (voir photo ci-dessous). C’est elle qui va étudier l’ADN en le bombardant de rayons X. Après de longues heures de travail sur ce matériau très fragile, elle capture enfin une image. Celle d’une molécule gigantesque dont la forme est celle d’une double hélice. Cependant, 2 autres chercheurs, James Watson et Francis Crick, étudient la chose. Quand ils découvrent les travaux de Rosalind, ils décident de les publier sans sa permission et sans la citer bien sûr. Écœurée par une telle attitude, elle quitte le King’s College pour gagner un laboratoire de recherche prestigieux, où elle poursuivra ses travaux. Plus tard, Watson et Crick remporteront un Prix Nobel grâce à leurs résultats volés. Rosalind, décédée à ce moment-là, n’est même pas citée. Figure-toi qu’aujourd’hui encore, on nous apprend que ce sont eux qui ont découvert la structure de l’ADN et non Rosalind Franklin.

  

3. MARY ANNING

Ce n’est pas souvent qu’une femme chasse, encore moins des fossiles de dinosaures. C’est pourtant son cas. Elle découvre son premier fossile de dinosaure à l’âge de 12 ans. Mais en 1811, très peu de personnes connaissaient ces animaux préhistoriques. Bien qu’elle n’ait pas été éduquée aux sciences, c’est elle qui mettra à jour le 1er squelette fossilisé de plésiosaure et plus tard, un fossile de ptérodactyle, le terrible reptile volant. Cette paléontologue en herbe se révélera aussi être une vraie femme d’affaires, qui revend ses fossiles à des collectionneurs et paléontologues. Elle a énormément contribué à la recherche sur les dinosaures, mais en Angleterre à l’époque victorienne, une femme, aussi brillante soit-elle, ne pouvait pas publier ses travaux. C’est déjà extraordinaire qu’elle puisse travailler avec des hommes. Alors, ce sont ses collègues qui les ont publiés… à leur nom. Mary a non seulement découvert de nombreux fossiles, mais elle a surtout prouvé au monde entier qu’une espèce animale pouvait s’éteindre. Ce que les gens refusaient de croire à l’époque !  

Une vulcanologue intrépide

Katia Krafft n’a pas froid aux yeux. Elle et son mari sont 2 grands vulcanologues et géologues français. Leur labo ? Les volcans eux-mêmes. Après tout, il est plus facile d’étudier les gaz volcaniques, les pluies acides ou de comprendre les éruptions quand on s’installe au bord d’un cratère, non ? Ensemble, ils ont assisté à un nombre incroyable d’éruptions, qu’ils ont documenté, filmé et partagé avec nous. Leur passion est si précieuse que Katia n’hésite pas une seule minute à monter à bord d’une embarcation pour prendre des mesures au milieu d’un lac acide. Ils ont ainsi tenté le diable longtemps avant d’être emportés par une coulée de lave en 1991. C’est grâce aux travaux de Katia et de son mari que nous avons une meilleure connaissance des volcans.

«Ils sont si puissants et beaux qu’on ne peut que tomber amoureux d’eux.»

 
Le savais-tu ?

Il naît autant de filles que de garçons !

Ça peut te paraître aller de soi mais la nature se charge de faire naître autant de «femelles» que de «mâles» parmi les différentes espèces peuplant la Terre. Mais comment s’y prend-elle pour décider du sexe de l’embryon ? Jusqu’en 1904, personne ne savait que nos chromosomes définissaient le sexe de l’enfant à naître. Nettie Stevens sera la femme qui résoudra l’énigme. C’est en étudiant les chromosomes des vers de farine qu’elle constate que chez les mâles, un des chromosomes ressemble à un Y, tandis que chez les femelles, tous les chromosomes ont la forme d’un X. Elle comprend aussi que si les gamètes (cellules reproductrices comme un spermatozoïde ou un ovule) mâles contiennent le chromosome Y, la progéniture sera un mâle, et si elles contiennent un X, ce sera une femelle. Plus important encore, elle montre que les organes reproducteurs produisent autant de gamètes porteurs de X que de Y. Ainsi, la nature offre la même probabilité de faire naître des mâles et des femelles. La nature fait bien les choses n’est-ce pas ? 

 

 

Ton p’tit LABO

Une expérience à faire avec Curiokids

Share This