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L’Inde, bientôt 4e puissance mondiale du spatial ?

Fleur Olagnier • fleur.olagnier@gmail.com

NASA/ISRO/Robert Lea, JAXA

Ce mois d’octobre, l’agence spatiale indienne a clairement affiché son ambition d’envoyer un homme sur la Lune et de posséder une station spatiale d’ici 2040. L’Inde poursuit en effet son petit bonhomme de chemin en matière de flottes satellitaires et d’exploration spatiale. La Lune, Mars et maintenant les vols habités… Voici comment le pays le plus peuplé du monde pourrait bien égaler les États-Unis, la Chine et l’Europe

 
C’est sans filtre que le Premier Ministre indien Narendra Modi vient de donner un solide coup d’accélérateur au programme spatial de l’Inde. Création de la Station orbitale Bharatiya Antariksha’ d’ici 2035, envoi du premier Indien sur la Lune avant 2040… Les objectifs nouveaux et ambitieux du pays le plus peuplé du monde ont été dévoilés quelques jours avant un test clef dans le cadre de la première mission habitée indienne. Cette mission de 3 jours baptisée Gaganyaan devrait envoyer l’année prochaine 3 membres d’équipage sur l’orbite terrestre pour un coût d’un peu plus d’un milliard de dollars. Le 21 octobre, la tour de sauvetage – système d’éjection d’urgence de la capsule spatiale – a été validée avec succès.

«L’inde réalise des progrès très spectaculaires en ce moment et depuis quelques années, analyse Christian Barbier, ex-chef de projet au Centre spatial de Liège. Trois sondes ont déjà été envoyées dans le cadre du programme spatial lunaire, dont Chandrayaan-3 qui a réussi un atterrissage automatique près du pôle Sud de la Lune, le premier depuis 1976. Ce n’est pas banal d’atterrir et de réussir à déposer un petit lander seulement au deuxième essai (après Chandrayaan-2, NdlR); et tout cela seulement quelques jours après que la sonde russe Luna 25 ait échoué en s’écrasant à la surface de notre satellite naturel.» Le 23 août, l’atterrissage indien du lander Vikram – nommé après le physicien créateur de l’agence spatiale indienne, Indian Space Research Organisation ou ISRO – a été retransmis en direct à la télévision nationale et ce jour est désormais déclaré National Space Day.

La mission Gaganyaan sans équipage sert de  préparation à une future mission habitée sur la Lune ! 

La réussite de la mission Chandrayaan-3 sur la  Lune: le rover Pragyan se déploie du lander Vikram (vue d’artiste).

«Performances remarquables»

«Ce n’est pas banal non plus de lancer une sonde martienne et de parvenir à la mettre en orbite dès le premier essai, poursuit Christian Barbier. C’était lors de la mission Mangalayaan, qui a placé un orbiteur autour de Mars en 2014.» L’Inde était alors devenu le premier pays asiatique à mettre un satellite en orbite autour de la planète rouge. La sonde, prévue pour fonctionner 6 mois, s’est éteinte en 2022. Mais l’agence spatiale indienne (Indian Space Research Organisation ou ISRO) prévoit déjà d’en lancer une autre d’ici 2 ans, Mangalayaan-2, notamment dans le but d’étudier l’atmosphère de Mars, son environnement et la poussière interplanétaire. «L’Inde accumule des performances remarquables pour de premiers essais, notamment car les missions d’exploration spatiale sont beaucoup plus complexes que l’envoi de satellites autour de la Terre, pointe Christian Barbier. Les succès font effet boule de neige et stimulent la préparation des nouveaux projets.»

La mission indienne Mars Orbiter (MOM –  également appelée Mangalyaan) en orbite autour de Mars (vue d’artiste)

La mission en collaboration avec le Japon,  Lunar Polar Exploration (LUPEX), devra atterrir  au pôle Sud lunaire et déployer un rover (vue  d’artiste)

Début septembre, l’Inde a lancé sa toute première sonde dédiée à l’observation du Soleil, Aditya-L1, qui doit permettre d’observer les couches externes de notre étoile. L’ISRO compte aussi envoyer, en collaboration avec le Japon, un nouvel engin sur la Lune d’ici 2025. La mission baptisée Lupex (Lunar Polar Exploration Mission) devra atterrir au pôle Sud lunaire et déployer un rover. «On assiste à une nouvelle course à la Lune, avec un intérêt particulier pour le pôle Sud et ses potentielles ressources scientifiques et énergétiques. L’Inde s’insère dans cet élan mondial piloté par les États-Unis et la Chine», commente Christian Barbier. En outre, l’ISRO compte envoyer une mission orbitale vers Vénus dans les 2 ans, organiser une mission de retour d’échantillons et enfin une mission axée sur l’hélium-3.

Aujourd’hui, l’Inde dispose d’une flotte de satellites scientifiques (observation de la Terre, météo, exploration spatiale), de télécommunications, de géopositionnement (Indian Regional Navigation Satellite System ou IRNSS, le GPS indien), militaires et ont parallèlement développé des lanceurs de classe «Ariane 5» et en dessous. «Le programme spatial habité est un prolongement naturel de tous ces développements», note le spécialiste. 

Une grande autonomie

Pourtant, le programme aérospatial indien est doté d’un budget relativement modeste, même s’il a considérablement augmenté depuis la mission Chandrayaan-1 en 2008. Il s’élève à 1,6 milliard en 2023, contre 25,4 milliards pour la Nasa par exemple. «L’Inde est le pays le plus peuplé du monde depuis le mois d’avril, décrypte l’ex-chef de projet au CSL. Il y a donc chaque année un vivier très important d’ingénieurs qui sortent des universités. Ils sont très nombreux à être hautement qualifiés et en raison du niveau de vie moyen, ils sont moins bien payés que leurs confrères étrangers.»

Contrairement à d’autres nations «émergentes» du spatial, l’Inde a le plus fort développement autonome. Les Émirats arabes unis par exemple, travaillent beaucoup avec les agences américaine et européenne mais ne possèdent pas de véritable programme spatial. Le Japon quant à lui, prend part à de multiples collaborations internationales. «Finalement, l’Inde est en retard du point de vue du nombre de lancements, mais pas du point de vue technologique, conclut Christian Barbier. D’ici 5 ou 10 ans, j’en suis convaincu, le pays fera partie des 4 grandes puissances spatiales mondiales avec les États-Unis, la Chine et l’Europe.» 


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Mais encore…

L’astrophysicien Hubert Reeves a rejoint les étoiles

Le Français d’origine québécoise Hubert Reeves est décédé le 13 octobre dernier à Paris à l’âge de 91 ans. Très médiatique, l’astrophysicien nucléaire était docteur honoris causa dans un très grand nombre d’universités (Ottawa, Québec, Berne, Bruxelles, Le Havre…). Grand officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Québec, Hubert Reeves a rédigé de nombreux articles scientifiques et son étude de l’astrophysique est plus que saluée dans le milieu de la recherche. Il était particulièrement reconnu pour ses ouvrages de vulgarisation des sciences et a beaucoup milité pour la défense de l’environnement.

Les échantillons de l’astéroïde Bénou coincés dans leur boîte !

La capsule d’échantillons de l’astéroïde Bénou, avec plus d’une centaine de grammes de roches et de poussières collectées par la mission Osiris-Rex il y a 3 ans, a atterri dans le désert de l’Utah fin septembre. Les scientifiques ne sont toutefois pas encore au bout de leur peine… Tout doit être manipulé dans une boîte hermétique remplie d’azote pour éviter une contamination par des éléments terrestres, et avec des outils ad hoc présents dans la boîte. Les chercheurs ont récupéré sans problème des échantillons à l’extérieur du container central appelé TAGSAM et qui conserve le reste des roches et de la poussière. Mais voilà, le TAGSAM est fermé par 35 vis, et 2 d’entre elles ne peuvent pas être retirées par les outils de la boîte. La Nasa va donc devoir être astucieuse et trouver un outil dont l’utilisation pourra être approuvée dans la boîte hermétique.

Mercure serait en train de rétrécir

La plus petite planète du Système et la plus proche du Soleil aurait rétréci il y a plusieurs milliards d’années… et continuerait à le faire. D’après les recherches d’une équipe européenne de planétologues publiées dans la revue Nature Geoscience, le phénomène serait dû au refroidissement du noyau de la planète. La surface de Mercure peut avoisiner les 430 °C. Pourtant, son gigantesque noyau interne (61% du volume de Mercure contre 17% pour la Terre) refroidit peu à peu, la croûte réémettant une bonne partie des rayonnements du Soleil et ne constituant pas un très bon conducteur thermique. Or, le refroidissement du noyau a entraîné mécaniquement une diminution du volume, et donc un rétrécissement de la planète entière. Un phénomène qui a commencé très tôt dans l’histoire géologique de Mercure, et qui serait toujours en cours.

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