WALL'INNOVE TOUR

WALL’INNOVE TOUR : arrêt sur APEO

Jacqueline REMITS • jacqueline.remits@skynet.be

jannoon028/Freepik + photomontage, Michel HOUET / ULiège

Il était une fois…

Une équipe de chercheurs de Gembloux Agro-Bio Tech de l’Université de Liège soucieuse de développer des alternatives responsables et innovantes aux pesticides chimiques. À leur tête, Haïssam Jijakli, professeur en phytopathologie et en agriculture urbaine à Gembloux Agro-Bio Tech ULiège. Les recherches, entamées il y a une dizaine d’années, portent leurs fruits au moment où des alternatives au glyphosate sont les bienvenues. «Quand nous avons commencé les recherches sur les huiles essentielles en 2010, nous n’avions pas anticipé que le glyphosate allait poser problème des années plus tard», commence Haïssam Jijakli. L’équipe travaille d’abord dans le cadre d’un programme de recherche dont l’objectif est de mettre en évidence les activités fongicides des huiles essentielles. «À cette époque, c’était innovant. Quand nous avons commencé cette recherche, j’avais une idée de la façon dont se structurait le marché au niveau des prix, combien coûtait un fongicide en final pour l’agriculteur, et donc combien il devrait coûter au départ pour la firme productrice. Un criblage a alors été réalisé sur base du prix et de la disponibilité.» Ce criblage fait, l’aspect purement scientifique pouvait commencer. «Nous avons trouvé que certaines huiles essentielles étaient très toxiques sur les plantes. C’est à ce moment que l’idée d’utiliser ces huiles essentielles pour leurs propriétés herbicides germe. Nous avons alors mis en évidence une vingtaine d’huiles essentielles ayant ce type de propriétés.» Ces huiles ont ensuite été criblées en conditions contrôlées sous serre afin d’identifier les plus efficaces vis-à-vis d’une vingtaine de mauvaises herbes des grandes cultures européennes. 

Essai sur plantes en pots en serre: les photos ont été prises 48 h après traitement

 

 

CARTE D’IDENTITÉ

CRÉATION : 2021

SIÈGE SOCIAL :
Passage des Déportés, 2
5030 Gembloux

SECTEUR D’ACTIVITÉS:
Agronomie, alternatives innovantes aux herbicides chimiques

 

 

 

MEMBRES DE L’ÉQUIPE : 6

CONTACT : 081 62 24 37 

 
…l’envie d’innover

Après 10 ans de recherche, 3 huiles essentielles montrent de bons niveaux d’efficacité et sortent du lot. Ces huiles présentent aussi des spectres d’actions différentes: l’une a une action totale comme le glyphosate, une autre est beaucoup plus efficace contre ce qu’on appelle les dicotylédones, des plantes dont les feuilles ont les nervures non-parallèles, contrairement aux monocotylédones comme par exemple, le gazon ou les céréales. Si cette huile essentielle ne touche pas le gazon mais bien les autres pousses, elle pourrait être utilisée dans le traitement des pelouses. L’équipe de recherche a ainsi obtenu à des formulations de ces huiles essentielles avec des adjuvants chimiques prêtes à l’emploi, ayant une bonne stabilité dans le temps, facilement applicables par l’agriculteur ou le particulier, s’étalant bien sur la feuille et avec un bon degré de pénétration dans la plante.

Début 2017, le jeune chercheur Simon Dal Maso a rejoint le labo afin de trouver une formulation pour que tous les adjuvants soient d’origine biologique et sans toxicité pour les riverains et l’environnement. L’équipe de chercheurs est parvenue à mettre au point 3 produits. «En décembre 2019, nous avons déposé un brevet pour protéger cette formulation, cette découverte inventive, innovante, ces produits sanitaires de génération responsable, reprend Haïssam Jijakli. À présent, nous avons derrière nous 3 années d’essais en conditions pratique, en pleine terre, sur le terrain et sous différents climats, qui orientent le positionnement des produits afin qu’ils puissent être utilisés pour le marché du particulier et, dans une certaine mesure, celui du professionnel.»

Le 14 janvier 2021, la SRL APEO (pour «Agronomical Plant Extracts & Essential Oils») est créée. Cette spin-off de Gembloux Agro-Bio Tech ULiège est active dans le développement, l’homologation et la commercialisation de bio-herbicides à base d’huiles essentielles. Pour ce faire, elle a réalisé une levée de fonds de 6 millions d’euros:  3,7 millions d’euros investis par des bailleurs de fonds privés et 2,4 millions d’euros provenant de la Région wallonne (SPW Recherche). «Capital privé et capital public s’associent donc à une innovation à la croisée d’enjeux de taille pour notre société, souligne Haïssam Jijakli, co-fondateur d’APEO. En plus de partager nos valeurs, nos partenaires ont compris combien il était nécessaire d’envisager des solutions où se rencontrent science, agriculture et durabilité.».

Les produits sont testés en conditions réelles en Belgique, dans le sud de la France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Danemark. Essentiellement en zones maritimes et méditerranéennes, là où sont les marchés intéressants. Une fois le processus d’homologation terminé, les bio-herbicides d’APEO seront dans un premier temps lancés sur les marchés européen et nord-américain. Ils seront commercialisés pour les particuliers au plus tard en 2026, et pour les professionnels du secteur agricole d’ici 2028. «Le marché de l’agriculteur est beaucoup plus important que celui du particulier, mais pour nous, le marché du particulier est très important aussi, car il est suffisant pour compenser les frais d’homologation et de développement avant la mise sur le marché. Les produits seront basés sur les mêmes matières actives, que ce soit le marché du particulier ou celui du professionnel. Elles seront cependant présentées sous forme de produits finaux différents selon le segment de marché.» Ces produits suscitent également l’intérêt d’entreprises publiques.

En chiffres, ce sont 3 000 huiles essentielles analysées, 91 testées, 3 retenues, 1 huile essentielle déclinée en plusieurs formulations et plus de 10 ans de recherches.

  

  

QUI EST HAÏSSAM
JIJAKLI, CEO ?

Le professeur Haïssam Jijakli, directeur du Laboratoire de phytopathologie intégrée et urbaine à Gembloux Agro-Bio Tech ULiège, développe depuis 30 ans un axe de recherche dédié à la lutte biologique contre les pathogènes des plantes afin de diminuer l’emploi des pesticides chimiques classiques. Depuis 10 ans, il a mis en place un nouvel axe de recherche sur l’agriculture urbaine et créé le Centre de recherches en agriculture urbaine. Dans les 2 domaines de recherches, il a à son actif plus de 80 projets de recherche nationaux et internationaux avec un souci de valorisation des résultats. Depuis le début de sa carrière, il a contribué à plus de 400 productions scientifiques et est à l’origine de 8 brevets et 4 spin-off (Bionext et APEO dans le domaine de la lutte biologique, DNALis sur le diagnostic des pathogènes des plantes et Green Surf, un bureau d’étude et de conseils en agriculture urbaine). Sa préoccupation est de créer un lien fort entre les mondes académique et industriel afin de mettre en place de nouvelles techniques urbaines économiquement, écologiquement et socialement abordables pour le secteur de l’agriculture. Cofondateur avec Simon Dal Maso, ils poursuivent tous 2 l’aventure d’APEO, débutée il y a plus de 10 ans.

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