Qui est-ce?

Jocelyn BELL

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

©ISOPIX/Photo by DAVID HARTLEY/REX/Shutterstock

 
Je suis…

Pionnière dans le domaine de la radioastronomie. Aînée d’une famille bourgeoise de 3 filles et d’un garçon, je grandis à Lurgan, ville du comté d’Armagh en Irlande du Nord. Mon père, architecte, participe à la conception du planétarium d’Armagh où je l’accompagne souvent. D’un naturel curieux, je pose des questions aux personnes que j’y rencontre. C’est là que naît ma passion pour l’astronomie. En 1956, mes parents m’envoient en internat à la Mount School de York, une école quaker pour filles. Un professeur de science me marque au point que je lui dois ma vocation pour la physique. En 1965, je décroche mon diplôme en physique à l’Université de Glasgow. Je rejoins alors l’équipe d’Antony Hewish, professeur de radioastronomie à l’Université de Cambridge, pour effectuer mon doctorat, que je décrocherai en 1969. Les filles étant rares dans le domaine à l’époque, je ne m’y sens pas à ma place. J’ai l’impression que la moindre erreur pourrait signifier mon renvoi. Je vis ce qu’on appellera plus tard le syndrome de l’imposteur. À la demande d’Antony Hewish, mon directeur de thèse, je participe à la construction d’un radiotélescope destiné à l’étude des quasars (quasi-stellar radio source), des entités compactes et lumineuses, noyaux de galaxies, récemment découverts. Chargée de l’exploitation du télescope et de l’analyse des données, je décortique chaque jour à la main les informations récoltées sur une trentaine de mètres de papier. Une tâche fastidieuse. En 1968, je me marie avec Martin Burnell, un fonctionnaire. Nous aurons un fils, Gavin, qui deviendra physicien. Je quitte alors Cambridge pour suivre mon mari dans ses affectations successives. Du coup, je change souvent d’emploi et de sujet d’étude. Divorcée en 1989 et dorénavant maman solo, je rencontre des difficultés à faire garder mon fils et à obtenir un poste fixe. Je travaille successivement aux universités de Southampton, d’Oxford, à l’University College de Londres et à l’Observatoire royal d’Edimbourg. En 1991, je deviens professeure de physique pour l’Université Ouverte (Open University), une institution anglaise donnant des cours à distance. Je suis aussi professeure invitée à l’université de Princeton. En 2001, je suis nommée doyenne de science à l’université de Bath jusqu’en 2004. 

 
À cette époque…

En 1968, année de la publication de ma découverte dans la revue Nature, le pasteur Martin Luther King, leader et héros du mouvement pour les droits civiques des «Noirs», est assassiné de plusieurs coups de feu tirés par un «Blanc» alors qu’il tenait un discours au balcon d’un hôtel de Memphis, dans le Tennessee, aux États-Unis. En 1974, l’année où mon directeur de thèse reçoit le prix Nobel pour ma découverte des pulsars, l’écrivain Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature, est arrêté et expulsé d’URSS. En 2001, l’année où je deviens membre de la Société Royale, est évidemment celle des attentats du 11 Septembre et aussi des débuts de la seconde guerre d’Afghanistan.

 
J’ai découvert…

Les pulsars (pulsating stars), des étoiles pulsantes nées de l’effondrement gravitationnel de certaines étoiles géantes et caractérisées par une très forte densité. Comme souvent en sciences, les pulsars me sont apparus par hasard, alors qu’ils n’étaient pas le sujet de mes recherches. En 1967, alors que je rédige encore ma thèse et que j’examine les enregistrements des radiotélescopes, j’observe un signal différent des signaux radio-astronomiques connus et des pulsations régulières. Je l’étudie avec la plus grande attention sous les sarcasmes de mon directeur de thèse estimant, dans un premier temps, qu’il s’agit d’une interférence humaine. Aussi, la source est-elle d’abord dénommée Little Green Men (Petits Hommes Verts). J’en découvre d’autres. Ce sont des résidus d’explosions de supernovas, des étoiles à neutrons. Cette découverte est publiée dans le numéro de février 1968 de la revue Nature. Le nom de pulsar ne sera trouvé qu’après la publication. Pour cette découverte, Antony Hewish et un autre astronome, Martin Ryle, reçoivent le prix Nobel de physique en 1974, sans que j’y sois associée. Ce qui déclenche une très vive controverse de la part de certains confrères scandalisés de voir ce prix prestigieux remis à un directeur de thèse plutôt qu’à la personne ayant fait la découverte au motif que j’étais étudiante, ou parce que j’étais une femme. En 1979, j’écris que j’estime normal qu’un prix Nobel soit accordé au directeur de thèse et non à son étudiant. Je reviendrai sur cette position plus tard.

Jocelyn Bell Burnell et son radiotélescope conçu pour la surveillance de quasars
(Cortesy of Martin Burnell)

Saviez-vous
que…

En 2001, Jocelyn Bell a été élue membre de la Société royale comme avant elle Newton, Darwin… De 2002 à 2004, elle a présidé la Société Royale d’astronomie et de 2008 à 2020, l’Institut de physique, la principale association de physique du Royaume-Uni.

Bien que n’ayant pas partagé le prix Nobel de physique, elle a été honorée d’un grand nombre de distinctions. En 2015, elle a reçu le prix Women of the Year Prudential Award dans la catégorie Lifetime Achievement. À cette occasion, elle a dit: «On peut actuellement s’en tirer extrêmement bien sans avoir obtenu de prix Nobel, et j’ai eu de nombreux autres prix, et tellement de récompenses et d’honneurs que, en réalité, je me suis bien plus amusée que si j’avais eu le prix Nobel. C’est un feu de paille en quelque sorte: vous l’avez, vous êtes heureux le temps d’une semaine, et tout est terminé, plus personne ne vous remet quoi que ce soit après, parce qu’il y a le sentiment que rien ne peut être au même niveau».

En 2018, elle a été distinguée par le prix de physique fondamentale d’une valeur de 3 millions de dollars. Qu’elle a choisi de donner à l’Institut de physique de l’Université d’Oxford pour le financement de travaux de thèse menés par de jeunes chercheuses et chercheurs issus des minorités sous-représentées en physique. La diversité en science est une valeur qui lui est chère. Selon elle, «l’histoire du pulsar est en partie arrivée parce que j’étais une minorité et une étudiante. Augmenter la diversité dans la physique ne peut amener que de bonnes choses». 

En septembre 2021, elle s’est vu décerner la médaille Copley par la Royal Society de Londres, une distinction prestigieuse remise chaque année pour d’importantes découvertes scientifiques et qui avait déjà honoré Darwin, Einstein et Hawking. Deuxième femme à obtenir cette distinction après la biologiste Dorothy Crowfoot Hodgkin (voir Athena n° 338, pp. 10-11), elle a fait don de ce prix de 25 000 euros au Bell Burnell Graduate Scholarship Fund de l’Institut de physique qui offre des bourses aux étudiants en physique issus de minorités.

Jocelyn Bell a été l’objet de la première partie de la série Beautiful Minds produite par la BBC Four, dans laquelle sa carrière et ses contributions à l’astronomie sont présentées. Elle est régulièrement invitée à parler de sa carrière et de ses découvertes. Elle n’hésite pas à rappeler les difficultés rencontrées à l’époque en tant que jeune femme. Dans une de ses conférences diffusées sur Internet, elle évoque l’intérêt médiatique qui a suivi la publication de sa découverte. À Antony Hewish étaient posées les questions scientifiques, à elle, des détails sur sa vie privée. Choquée, elle a alors décidé de s’investir dans des actions en faveur des femmes et de la science, notamment pour l’amélioration des conditions de carrière des femmes scientifiques. Elle a été présidente de Women in Science pour la Société royale d’Edimbourg et s’est impliquée dans l’association des femmes en STEM (Science, Technology, Engineering and Maths).

Dans son ouvrage L’astronomie au féminin, l’astrophysicienne belge Yaël Nazé, auteure de la rubrique «Astronomie» d’Athena, lui consacre son dernier chapitre.

  
  

Carte d’identité

 
Naissance 

15 juillet 1943, à Belfast (Irlande du Nord, Royaume-Uni)

Nationalité

Britannique

Situation familiale

Divorcée, 1 enfant