Dossier

Comme une odeur de renouveau… neuronal !

©olly – stock.adobe.com ; Patrick J. Lynch, l illustrator ; ©Université de Stanford

Même si elle semble réduite à l’état de vestige et presque indétectable chez l’être humain, il existe, à l’échelle de l’ensemble des mammifères, une régénération en continu des neurones du bulbe olfactif. Pour en saisir la «mécanique» et l’intérêt fonctionnel, encore faut-il explorer d’abord le fonctionnement du système olfactif lui-même. L’équipe de Gabriel Lepousez, du Laboratoire Perception et Mémoire de l’Institut Pasteur, s’y attelle, avec pour objectif ultime de développer des thérapies de «réparation» de régions du cerveau endommagées à la suite d’une maladie neurodégénérative ou d’un trauma

 
 

On a longtemps considéré que les neurones ne pouvaient se renouveler. On sait aujourd’hui que ce principe général connaît quelques exceptions. Au sein de l’espèce humaine, l’hippocampe, structure cérébrale essentielle dans le processus de mémorisation, demeure le siège d’une neurogenèse à l’âge adulte, à telle enseigne que chez un individu de 50 ans, l’ensemble des neurones de la région hippocampique régénérée en continu, le gyrus denté, seraient nés alors que le sujet était adulte. Si le débat n’est pas clos à propos de l’existence d’un phénomène similaire de régénération neuronale dans d’autres régions du cerveau, notamment le bulbe olfactif, des données de plus en plus nombreuses dessinent le profil d’une neurogenèse vraiment très vestigiale et quasi indétectable dans cette structure chez l’Homme. «Au niveau fonctionnel, on estime que le système olfactif est lui-même assez vestigial chez l’Homme, qui a privilégié la vision au détriment de l’olfaction, et qu’il suffit à remplir, tel qu’il est, la fonction qui lui est dévolue. Sa taille n’est nullement équivalente à celle du système olfactif d’un rongeur ou d’un animal nocturne, par exemple», indique le docteur Gabriel Lepousez, chargé de recherche dans le Laboratoire Perception et Mémoire de l’Institut Pasteur, à Paris.

Et d’ajouter: «Du point de vue anatomique, qui plus est, le développement exceptionnel du cortex humain a fortement éloigné le bulbe olfactif de la zone de production de nouveaux neurones, située au niveau des parois des ventricules latéraux. La distance à parcourir par de nouveaux neurones entre la zone de production et leur destination finale au sein du bulbe olfactif est de plusieurs centimètres chez l’Homme, ce qui nécessite un cheminement théorique de plusieurs années, tandis qu’elle est très courte chez les rongeurs, seulement de quelques millimètres

À l’échelle de l’ensemble des mammifères, il existe 2 régions cérébrales où l’on a observé une neurogenèse en continu: l’hippocampe et le bulbe olfactif, celui-ci éveillant le doute, nous venons de l’évoquer, quant à ses capacités de régénération chez l’être humain. Toutefois, il serait réducteur de se focaliser sur le seul bulbe au sein du système olfactif. Pourquoi ? Parce que ce dernier fait en réalité l’objet de 2 processus de neurogenèse en continu, l’un centré sur les neurones intrinsèques du bulbe olfactif, l’autre, dont on sait qu’il concerne aussi notre espèce, sur la muqueuse olfactive. Cet épithélium, qui se situe au sommet de la cavité nasale, détecte les molécules volatiles en provenance du monde extérieur via les récepteurs olfactifs présents à la surface des neurones de la muqueuse, lesquels se projettent dans le bulbe. «On considère que la totalité de notre muqueuse olfactive est régénérée tous les 3 à 6 mois, précise Gabriel Lepousez. Sans les cellules souches qui s’acquittent de cette tâche, nous perdrions très rapidement l’odorat sous les attaques quotidiennes des virus, bactéries, polluants et autres toxines qui détériorent la muqueuse