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JUICE: vers l’accès à un mini système planétaire

Fleur Olagnier • fleur.olagnier@gmail.com

NASA/ESA, Courtesy of NASA/SwRI, NASA/JPL/DLR

En préparation depuis plus de 10 ans, la mission européenne JUICE doit enfin décoller ce mois d’avril 2023. La sonde a pour principal objectif d’étudier 3 des 4 lunes de Jupiter. En 2031, JUICE se placera en orbite autour de la géante gazeuse, avant d’effectuer des survols rapprochés d’Europe et Callisto, puis de se placer en orbite autour de Ganymède. Les bulles magnétiques qui entourent Jupiter et Ganymède, ainsi que les océans souterrains, sont parmi les principaux centres d’intérêt des scientifiques. Voici pourquoi 

 
JUICE est la mission phare du programme Cosmic Vision 2015-2025, la feuille de route scientifique de l’Agence spatiale européenne (Esa). Plus précisément, il s’agit de la toute première sonde spatiale européenne à destination de Jupiter. JUICE, ou Jupiter Icy Moons Explorer, a pour but d’étudier à partir de 2031 l’environnement jovien et notamment 3 des 4 lunes de Jupiter: Europe, Ganymède et Callisto. Depuis 2016, c’est la mission Juno de l’Agence spatiale américaine (Nasa) en orbite autour de Jupiter qui s’attèle à cette tâche, mais sans être aussi bien équipée pour étudier les lunes galiléennes que JUICE.

La mission en préparation depuis avril 2011 inclut des participations de la Nasa et de l’Agence spatiale japonaise (Jaxa), et se démarque par ses objectifs scientifiques particulièrement variés et ambitieux. «Les 10 instruments de JUICE ont été conçus pour fonctionner ensemble afin de nous donner une vision globale de l’environnement jovien, appuie Denis Grodent, chercheur en planétologie et directeur du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) de l’ULiège. Avec la géante gazeuse et ses 4 satellites naturels, c’est à un « mini Système planétaire » auquel nous avons accès

La Belgique, de son côté, est impliquée dans le spectro-imageur infrarouge MAJIS et le Centre spatial de Liège a développé une infrastructure spéciale unique en Europe pour effectuer les tests thermiques des panneaux solaires. De plus, le Plat pays a une participation significative dans l’instrument UVS (UV Imaging Spectrograph). C’est la Nasa qui est responsable d’UVS, un instrument similaire à celui qu’elle a déjà développé pour Juno et qui équipera également Europa Clipper, prochaine mission américaine qui décollera en 2024 à destination d’Europe.

«Un laboratoire de physique des plasmas unique»

«UVS doit nous aider à faire le lien entre le fonctionnement des magnétosphères et les aurores», explique Bertrand Bonfond, chercheur en planétologie au LPAP. Pour rappel, la magnétosphère est une sorte de «bulle» qui entoure une planète et dans laquelle tous les phénomènes physiques sont dominés par le champ magnétique de cette planète. Ici, on parle des «bulles» de Jupiter et de Ganymède, Ganymède étant le seul satellite du Système solaire à posséder un champ magnétique intrinsèque et donc sa propre magnétosphère. «La magnétosphère de Ganymède est incluse dans celle de Jupiter. Les orientations de leurs champs magnétiques respectifs sont opposées. Donc les 2 magnétosphères sont connectées en permanence par des échanges d’énergie et de particules: c’est un laboratoire de physique des plasmas unique», affirme le chercheur.

Les aurores se produisent quand des particules chargées (issues du vent solaire dans le cas de la Terre ou du volcanisme d’Io – 4e lune de Jupiter – dans le cas du système jovien) sont piégées par la magnétosphère et se déplacent le long des lignes de champ jusqu’aux pôles. Les interactions de ces particules avec les molécules présentes dans la haute atmosphère de Jupiter ou de Ganymède créent des aurores polaires brillantes et en forme d’anneaux. «JUICE va observer avec précision les émissions au niveau des pôles de Jupiter et les aurores sur les différentes lunes, principalement Ganymède. Sur ce satellite en particulier, on aura accès aux aurores avec une résolution phénoménale et inédite de 500 m, poursuit M. Bonfond. Nous voulons comprendre dans le détail le lien entre l’apparition d’aurores et les mesures de particules in situ dans la magnétosphère.» JUICE se placera en 2034 en orbite autour de Ganymède, la plus grande des 4 lunes dont la taille est supérieure à celle de Mercure, avant de s’écraser à la surface du satellite l’année suivante pour la fin de mission.

En outre, grâce aux survols rapprochés d’Europe et Callisto et la mise en orbite autour de Ganymède, UVS va analyser et comparer les surfaces des 3 lunes. «On sait que l’on trouvera différents types de glaces et différents stades d’érosion. Contrairement à Europe et Callisto, Ganymède est par exemple protégée des radiations par sa magnétosphère: sa surface est donc vraisemblablement moins abîmée», souligne Bertrand Bonfond.

Après la sonde Galileo, la mission spatiale Juno de la NASA a étudié la planète Jupiter. En juin 2021, le vaisseau Juno s’est approché de Ganymède, la plus grande lune jovienne, et a survolé sa magnétosphère. 

 
1, 2 ou 3… océans

Par ailleurs, JUICE doit permettre d’adresser l’un des plus grands fantasmes du Système solaire: la présence d’eau liquide ailleurs que sur Terre. En effet, il est quasiment certain que le satellite Europe possède un océan d’eau salée sous sa surface glacée. Cela pourrait aussi être le cas de Ganymède, même si l’on pense à une étendue d’eau moins vaste, ou alors discontinue répartie en plusieurs cavités. Un océan sur Callisto ? Le mystère reste entier… et sera peut-être bientôt résolu. Enfin, pas d’eau liquide mais des lacs de lave sur Io, la volcanique du groupe. «Grâce au travail de l’instrument UVS, on va récolter des informations sur la conductivité électrique des potentiels océans d’eau salée souterrains et leur configuration, note Denis Grodent. D’autre part, les résultats des expériences radar et radio seront essentiels, car ils vont nous permettre de sonder l’intérieur de Jupiter et de ses lunes. On aura alors accès aux basses couches de l’atmosphère de la géante gazeuse, ce qu’on ne peut pas faire depuis la Terre». Et Bertrand Bonfond de compléter: «On pourra avoir une idée de la composition et de l’épaisseur des couches qui constituent les 4 lunes, de leur uniformité ou non uniformité notamment dans le cas des océans, ou encore de la présence de lacs sous-glaciaires».

Un autre enjeu de la mission JUICE est de clarifier le lien entre Jupiter et ses lunes. En effet, Io, Europe et Ganymède tournent de façon quasi-synchrone – elles sont en résonance – et leurs orbites sont légèrement elliptiques. «Les 3 lunes « se tirent les unes les autres »: elles accélèrent à certains moments et décélèrent à d’autres. Or, leur vitesse de rotation sur elles-mêmes est constante. Ce paradoxe crée des déformations des lunes, soit un effet de marée, décrypte Bertrand Bonfond. Quand un bourrelet de marée se forme à la surface d’un satellite, il cherche ensuite naturellement à se « réaligner » avec Jupiter, mais se déplace en raison de la rotation. Ceci crée une friction et donc un échauffement. C’est par exemple cet échauffement qui est à l’origine du volcanisme sur Io. On veut mieux comprendre ce phénomène. Le but est aussi de clarifier à quel endroit ce chauffage a lieu exactement sur Ganymède et Europe, et si en ce point précis la glace peut se liquéfier.» 

Les 4 lunes galiléennes de Jupiter dans un montage permettant de comparer leur taille à celle de la planète.
De gauche à droite: Io, Europe, Ganymède et Callisto. 

Machine à remonter dans le temps

Finalement, des instruments à très haute résolution vont nous permettre d’observer avec une précision inégalée les surfaces des quatre lunes. La résolution spatiale de la caméra Janus (lumière visible et proche infrarouge) atteindra par exemple 2,4 m lors des survols de Ganymède et 10 km au-dessus de Jupiter. Il sera ainsi possible d’analyser le système jovien à différentes époques.

En effet, Callisto possède la surface la plus ancienne, très cratérisée, qui nous montre l’époque de la formation du système jovien. On pense et on veut vérifier que les roches et les glaces y sont mélangées de façon beaucoup plus homogène que sur les autres lunes. Europe en revanche, possède une surface jeune, tout comme Io, en permanence remodelée en raison de son volcanisme. «Nous allons avoir des vues incroyables des montagnes, des cratères de Ganymède, des geysers d’Europe, des failles…» rêve Bertrand Bonfond.  «Nous allons essayer de déterminer si Ganymède possède des geysers, étudier le cryovolcanisme lié à ceux d’Europe, et nous intéresser aux interactions entre les atmosphères des satellites avec l’environnement de Jupiter, termine Denis Grodent. Le volcanisme d’Io, par exemple, dégaze du soufre et de l’oxygène qui peuvent se retrouver dans la magnétosphère de Jupiter, et à la surface de ses voisines Europe et Ganymède. On veut comprendre dans le détail comment cette matière passe de l’une à l’autre.»


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Mais encore…

Une carte ultra-précise de la répartition de la matière dans l’Univers dévoilée

Début février, un groupement de 150 chercheurs a rendu publique la carte de la répartition de la matière dans l’Univers la plus précise jamais élaborée. Pour aboutir à ce résultat, les scientifiques se sont appuyés sur les données fournies par le télescope Dark Energy Survey (Chili) et le radiotélescope South Pole (au pôle Sud). Les résultats de ces 2 instruments ont permis de décrire comment la matière s’est répartie dans l’Univers à mesure que celui-ci s’est étendu au fur et à mesure de ses 13,8 milliards d’années d’existence. La nouvelle carte a déjà été comparée aux modèles antérieurs. «Il semble qu’il y ait un peu moins de fluctuations dans l’univers actuel que ce que nous ne le prévoyions», a déclaré sur le site de l’Université de Chicago Eric Baxter, co-auteur de l’analyse et astrophysicien de l’Université d’Hawaï. Autrement dit, l’Univers contient davantage de «grumeaux» de matière qu’attendu. La carte n’atteint toutefois pas encore le niveau de détails suffisant pour affirmer que les modèles actuels sont faux.

Bientôt une composante «Air et Espace» dans la Défense belge ?

«Nos adversaires sont pleinement engagés dans de nouveaux domaines tels que le cyber et l’espace. Nous voulons également nous appuyer sur la grande expertise belge dans le domaine spatial afin de permettre à la composante « Air » d’évoluer vers une composante « Air et Espace » à long terme», a déclaré dans ses vœux de début d’année l’amiral Michel Hofman, chef de la Défense et plus haut gradé belge. Certes, le Plat pays ne possède pas encore de stratégie spatiale très élaborée, mais le plan STAR approuvé en juin 2022, qui représente la vision stratégique de la Défense belge jusqu’en 2030, prévoit bien la création d’un centre de sécurité spatiale. 

Le rover Perseverance dépose son tout premier échantillon sur Mars

C’est une étape clé dans la mission américaine Mars Sample Return de retour d’échantillons sur Terre, à laquelle l’Europe participe. Le petit tube en titane de la taille d’un stylo est rempli de roches magmatiques récupérées dans une région du cratère Jezero de Mars. L’échantillon avait été prélevé le 31 janvier 2022 et était stocké dans le rover avec 17 autres. Au total, 10 tubes seront déposés sur le site nommé Three Forks pour constituer un dépôt de secours au cas où la livraison des 30 échantillons de base par le rover subirait un échec. Dans ce cas, 2 petits hélicoptères viendront les récupérer pour les amener à la mini-fusée qui se trouvera sur l’atterrisseur Sample Retrieval Lander. En 2031, la mini-fusée ramènera les échantillons en orbite (les 30 initialement prévus ou les 10 de remplacement) avant le retour sur Terre. 

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