Espace

Quand les astéroïdes font leur star

Fleur Olagnier • fleur.olagnier@gmail.com

NASA • Vues d’artistes

C’est avec une impatience non feinte que la Nasa attendait le retour des échantillons de l’astéroïde Bénou. Les précieux cailloux et poussières récoltés à plus de 300 millions de kilomètres de la Terre sont rentrés «à la maison» fin septembre. En octobre, ce sera au tour de la mission Psyché de s’élancer vers l’astéroïde éponyme pour une recherche très convoitée de métaux précieux… Plus que jamais, les astéroïdes sont à l’honneur. Mais qu’espère-t-on découvrir exactement ? Ces objets célestes peuvent-ils encore vraiment nous apprendre ?

Le 24 septembre, la sonde Osiris-Rex faisait son grand retour sur Terre avec à son bord de très rares échantillons ramassés sur l’astéroïde (101955) Bénou, ou plus simplement Bénou. C’est la première fois que l’agence spatiale américaine (Nasa) ramène un échantillon d’astéroïde, le Japon étant pionnier en la matière. Depuis 7 ans déjà, date du décollage de la mission, les scientifiques trépignent. En effet, l’étude de la matière collectée qui sera réalisée au Centre spatial Johnson de Houston (Texas) doit permettre de mieux comprendre la formation du système solaire, et surtout, la façon dont la Terre est devenue habitable. Si tout s’est bien passé, la Nasa espère récupérer jusqu’à 250 grammes de matière prélevée le 20 octobre 2020. Pour comparaison, l’agence spatiale japonaise (Jaxa) avait rapporté seulement quelques «minuscules particules» du petit astéroïde Itokawa lors de son premier essai en 2010 avec la sonde Hayabusa-1, puis 5,4 grammes de l’astéroïde Ryugu en 2020 avec Hayabusa-2.

Bénou fait partie des 20 000 astéroïdes géocroiseurs – qui croisent l’orbite de la Terre – connus à ce jour et confirmés. Avec les plus de 750 000 petits astres que compte la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, aussi appelée ceinture principale, ces deux groupes représentent 95% des astéroïdes du Système solaire.

Alors, pourquoi Bénou ? Découvert en 1999, l’astre possède un diamètre d’environ 700 mètres et effectue le tour du Soleil en un peu plus d’un an. «Il a été spécialement choisi car son orbite proche de celle de la Terre facilite son approche, et surtout parce qu’il fait partie des plus vieux astéroïdes qui ont très peu évolué depuis la formation du Système solaire, éclaire Emmanuel Jehin, astrophysicien spécialiste des petits corps à l’Université de Liège. C’est un astéroïde carboné, une catégorie très intéressante car ce sont eux qui en s’écrasant sur Terre auraient pu amener les briques élémentaires de la vie.»

La sonde spatiale Osiris-Rex au-dessus de la surface de Bénou. Le prélèvement est effectué avec les panneaux solaires relevés vers le haut, pour éviter qu’ils soient endommagés par l’éjection du régolite (ndlr: fine couche de poussière qui compose la surface de l’astéroïde) tandis que la perche supportant le système de prélèvement TAGSAM est étendue vers le bas et est la seule partie de la sonde spatiale en contact avec le sol.

Des échantillons «frais»

Pourquoi attendait-on les échantillons de Bénou comme le Messie ? Car les petits cailloux et poussières que nous a ramenés Osiris-Rex sont parfaitement conservés. «Ce sont des échantillons « frais » qui n’ont pas été altérés comme les météorites (fragments d’astéroïdes, NdlR) que l’on peut étudier après leur chute sur Terre, appuie l’astrophysicien. Les météorites sont dégradées par leur entrée dans l’atmosphère, elles peuvent perdre des éléments volatiles pendant la descente, et aussi être modifiées pendant leur séjour sur Terre dans le cas où elles ne sont pas découvertes immédiatement.»

L’analyse des fragments de l’astéroïde Ryugu avait révélé en mars dernier la présence d’uracile, l’une des 4 bases nucléiques qui composent l’ARN, ainsi que de niacine, une forme de la vitamine B3. «On a aussi trouvé un grain de sel extraterrestre dans cet échantillon. Or, le sel ne peut se former qu’en présence d’eau liquide, complète Emmanuel Jehin. Les astrobiologistes s’attendent à trouver exactement le même type de molécules sur Bénou.» Le but est aussi de faire le lien avec les chondrites carbonées, les météorites les plus anciennes que l’on a pu trouver sur Terre et qui nous ont permis de dater le Système solaire à 4,657 milliards d’années.

La présence de traces de glace d’eau ou de matière ayant été en contact avec de l’eau liquide est aussi envisageable. D’ailleurs, la mission Lucy de la Nasa lancée en 2021 est justement partie à la recherche de traces de glace d’eau dans les astéroïdes troyens qui partagent l’orbite de Jupiter. Entre 2027 et 2033, 6 d’entre eux seront survolés. Bien au-delà de la «ligne des glaces» (limite en-deçà de laquelle la glace est sublimée par le rayonnement du Soleil), ils sont potentiellement dans un état encore davantage primordial que Bénou et ses voisins de la ceinture principale.

Le trésor de Psyché

Il est aussi des astéroïdes dont l’exploration est à vocation scientifique… mais pas que. Le 13 octobre dernier, la Nasa a lancé une nouvelle fusée vers l’astéroïde (16) Psyché, l’un des 10 astres les plus massifs de la ceinture d’astéroïdes, à 400 millions de kilomètres de la Terre. En effet, découvert en 1852, Psyché contient un peu moins de 1% de la masse totale de ladite ceinture dans ses 200 kilomètres de diamètre.

Et le plus atypique au sujet de Psyché, est que cet astre qui effectue le tour du Soleil en 5 ans, pourrait être le vestige du noyau d’une ancienne protoplanète. Ainsi, cet astéroïde serait le noyau métallique exposé d’un planétésimal, c’est-à-dire une planète en formation qui a perdu ses couches extérieures rocheuses suite à des collisions ou autres influences gravitationnelles, et dont seul le noyau interne subsiste. Ce noyau n’aurait ensuite pas été capable de s’agglutiner avec d’autres pour former une véritable planète. «Le planétésimal de départ mesurait au moins 500 kilomètres de diamètre, une taille suffisante pour être différencié, c’est-à-dire posséder plusieurs couches: une croûte, un manteau et un noyau métallique qui reste aujourd’hui», explique Emmanuel Jehin. 

Le vaisseau spatial de la mission Psyché à proximité de sa cible, l’astéroïde métallique Psyché.

La sonde spatiale de la Nasa devrait se placer en orbite autour de cet astre si particulier en 2026. «C’est la toute première fois de l’histoire que l’on va survoler un astéroïde de type métallique, les dix précédentes missions ayant été dirigées vers des astéroïdes rocheux», souligne l’astrophysicien.

Ainsi, Psyché comporte nécessairement une grande quantité de métaux. Et c’est ce qui intéresse aussi l’agence spatiale américaine. D’après les analyses spectroscopiques réalisées depuis la Terre, la surface de l’astéroïde serait composée à 90% de métaux: du nickel et du fer à 97%, puis du cobalt, mais aussi, de l’or, du platine, du rhénium… Selon les calculs du magazine américain Forbes, le «trésor de Psyché» permettrait de rendre multimilliardaire chaque habitant de la Terre pour une valeur théorique de 10 000 quadrillions de dollars ! En somme, davantage que toute l’économie mondiale.

«Tout d’abord, les scientifiques espèrent déterminer l’origine et préciser les caractéristiques de Psyché. Cela nous aidera à mieux comprendre le processus de formation des noyaux planétaires, des planètes telluriques et du Système solaire. Plus concrètement, cette analyse servira à la défense planétaire, puisque pour l’instant la destruction d’un astéroïde potentiellement dangereux n’a été testée avec la mission DART (voir magazine Athena n°358) que sur un astéroïde rocheux, de type mieux connu et plus fragile, explique Emmanuel Jehin. Dans un second temps, on parle d’asteroid mining. Plusieurs start-up à travers le monde se penchent déjà sur la question. On estime aujourd’hui qu’un astéroïde métallique d’un kilomètre de diamètre pourrait subvenir au besoin du monde entier en métaux pour 3 000 ans ! Ici, on ne parle pas de l’or pour les bijoux, car même s’il y en a, en ramener une grande quantité sur Terre ferait baisser immédiatement sa valeur. En revanche, les terres rares très convoitées et utilisées dans la fabrication des composants électroniques sont un véritable enjeu.»

Finalement, si la composition et la valeur de Psyché sont confirmées par la mission, les résultats pourraient accélérer la course à l’exploitation de ces ressources. Toutefois, rappelons qu’avec les technologies actuelles, il n’est absolument pas rentable d’aller chercher des métaux dans l’espace au lieu de les récolter sur Terre. Mais les gisements terrestres ne sont pas inépuisables. L’asteroid mining alimente donc les réflexions, dans le cadre d’un futur plus lointain.


Espace

Mais encore…

La Russie retourne sur la Lune, et s’écrase

La Russie a lancé au mois d’août sa première sonde vers la Lune depuis 1976. «Pour la première fois de l’histoire, l’alunissage a été effectué sur le pôle sud lunaire. Jusqu’ici, tout le monde alunissait dans la zone équatoriale», se félicitait Alexandre Blokhine, haut responsable de l’agence spatiale russe Roscosmos. La mission Luna-25 avait pour objectif de “mener des recherches scientifiques à long terme” et de donner un nouvel élan au secteur spatial russe, en difficulté depuis plusieurs années. Mais la sonde s’est écrasée sur le sol lunaire le 19 août à la suite d’un incident, au nord du cratère de Bogouslavski. Elle devait y rester au moins une année afin de prélever des échantillons et de les analyser. Cet échec intervient au moment même où le président russe Vladimir Poutine avait promis de poursuivre le programme spatial russe malgré les problèmes de financement, les scandales de corruption et l’isolement russe du fait du conflit en Ukraine.

Lockheed Martin va concevoir une fusée nucléaire pour la Nasa

L’agence spatiale américaine (Nasa) et l’armée américaine ont choisi le constructeur Lockheed Martin pour développer et concevoir une fusée à propulsion nucléaire. Ce programme est basé sur une technologie avancée de propulsion nucléaire thermique, qui embarque un véritable réacteur nucléaire à fission. Selon la Nasa, une fusée à propulsion nucléaire thermique pourrait être trois à quatre fois plus efficace que les fusées à combustible classiques. Cela réduirait ainsi considérablement les temps de trajet, un élément essentiel notamment dans le cadre des futures missions habitées vers Mars. Le premier vol test dans l’espace de ce nouveau dispositif est planifié dès 2027.  

Le point culminant de Mars serait une île volcanique

Le plus haut relief du système solaire est le mont Olympe sur Mars. Il culmine à 21,2 km pour près de 650 km de large. Selon une nouvelle étude menée par des scientifiques du Centre National de la Recherche Scientifique français et publié dans la revue Earth and Planetary Science Letters, cet immense volcan aurait pu se constituer il y a 3,8 à 3,5 milliards d’années, comme une île volcanique à la manière d’Hawaï, des Canaries ou de la Réunion. Les scientifiques pensent que cette île serait le résultat d’un contact entre de l’eau liquide et la lave du volcan. L’île volcanique aurait donc autrefois baigné dans un vaste océan d’eau liquide occupant une grande partie des basses terres du nord de la planète rouge. Le but est maintenant de dater avec précision ces roches volcaniques pour en apprendre davantage sur l’évolution climatique de Mars.

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