Qui est-ce?

Gerty Theresa CORI

Jacqueline REMITS• jacqueline.remits@skynet.be

Smithsonian Institution

 
Je suis…

Médecin biochimiste et la première femme à avoir reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine. C’était en 1947. Née à Prague dans une famille bourgeoise juive, mon père est chimiste et je suis l’aînée de 3 sœurs. D’abord instruite à domicile par un précepteur, j’intègre à 10 ans un gymnasium pour filles. À 16 ans, je sais ce que je veux devenir: médecin. Pendant 2 ans, je m’y prépare en me mettant au niveau nécessaire en mathématiques, chimie et latin afin de pouvoir entrer à l’Université Charles de Prague. C’est là que je rencontre Carl Ferdinand Cori, qui deviendra mon mari. La Première Guerre mondiale fait rage et Carl est recruté sur le front italien. Malgré cela, nous obtenons notre diplôme de médecine en 1920. La même année, nous partons à Vienne où nous nous marions contre la volonté de nos parents qui ne voient pas d’un bon œil ma relation avec un jeune docteur. Nous commençons à travailler: Carl comme pharmacologue et moi dans un hôpital pédiatrique où je m’intéresse à l’insuffisance thyroïdienne congénitale. Mais je souffre de xérophtalmie (assèchement de la conjonctive et de la cornée de l’œil) et je dois partir me reposer chez mes parents à Prague pour récupérer ma vision. La situation matérielle et professionnelle que l’Autriche peut nous offrir ne nous satisfait pas. En plus des conditions déplorables, il nous faut fuir la montée de l’antisémitisme. C’est pourquoi nous décidons de tenter de quitter l’Europe. Nous proposons notre candidature aux Pays-Bas pour partir travailler sur l’île de Java. Entre-temps, nous recevons une proposition d’embauche de l’Institut d’État de Buffalo aux États-Unis pour l’étude de maladies malignes. Carl part en 1922 et je le rejoins 6 mois plus tard après avoir obtenu un poste d’assistante en pathologie. À cette époque, la misogynie est très présente aux États-Unis et malgré mes recherches fructueuses, je publie seulement 11 articles en solo et près de 50 avec Carl. À l’Université de Rochester, on conseille à mon mari de ne pas «ruiner sa carrière» en publiant avec moi. À l’Eastern New Mexico University, il nous est déconseillé de travailler ensemble. J’ai le statut d’assistante pathologiste. Quand elles cherchent à engager mon mari, les universités de Toronto et de Cornell refusent de m’embaucher. Finalement, en 1931, nous partons pour l’Université Washington à Saint-Louis, dans l’État du Missouri. Nous nous consacrons aux recherches du métabolisme des saccharides. Carl obtient un poste de professeur de pharmacologie et moi, d’attachée de recherche dans ce domaine. Ce n’est qu’en 1946, quand mon mari prendra la direction du département de biochimie, que j’obtiendrai une chaire de professeure associée de recherche en chimie biologique et en pharmacologie. Une étape importante dans ma carrière. C’est la première fois qu’une femme est nommée à un poste de professeur à temps plein dans une faculté de médecine. 

À cette époque…

À ma naissance, en 1896, Prague est la capitale du royaume de Bohême au sein de l’empire austro-hongrois. Après la guerre, en 1918, les députés de Bohême réclament l’union des Tchèques et des Slovaques au sein d’un État indépendant. Le 28 octobre de la même année, l’indépendance est proclamée à Prague. C’est la chute de l’empire et la naissance de la Tchécoslovaquie. En 1947, l’année où nous recevons le prix Nobel, les États-Unis décident d’un plan d’aides économiques à l’Europe, le plan Marshall, du nom du secrétaire d’État George Marshall qui l’a initié.

J’ai découvert…

Avec mon mari, le processus de conversion catalytique du glycogène et le rôle de l’hypophyse dans le métabolisme de sucre. En 1936, au cours de nos recherches sur le glucose, nous découvrons le glucose-1-phosphate et nous mettons au point la description de la dégradation du glycogène en glucose. Après 6 ans de travaux, Carl et moi reconstituons le cycle de synthèse du sucre dans les muscles et le foie, ce qui s’appellera plus tard le cycle de Cori. Nos travaux auront un impact sur l’utilisation de l’insuline, découverte quelques années plus tôt. C’est la première étape de notre recherche qui nous mènera à obtenir ensemble le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1947 «pour la découverte du processus de conversion catalytique du glycogène», en même temps que Bernardo Houssay, un physiologiste argentin, «pour la découverte du rôle joué par l’hormone du lobe de l’hypophyse antérieure dans le métabolisme des sucres». Je deviens ainsi la 3e femme après Marie Curie et Irène Joliot-Curie, et la première Américaine, à recevoir le prix Nobel. Quelques jours avant de partir recevoir notre prix Nobel à Stockholm, on me diagnostique une splénomégalie myéloïde, maladie rare et irréversible provoquant une dégénérescence de la moelle osseuse. Mais je continue de travailler au laboratoire, découvrant comment la perte ou le dysfonctionnement d’une enzyme peut causer des maladies.

Saviez-vous que…

Cette découverte révolutionnaire dans le domaine de la génétique humaine a constitué une avancée majeure dans la compréhension de la manière dont les maladies génétiques sont causées. Elle a depuis été utilisée pour développer des traitements pour une variété de troubles génétiques. Le travail de Gerty Cori a contribué à améliorer la vie d’innombrables personnes.

Elle meurt en 1957, l’année de sa promotion comme professeure titulaire, chez elle à Saint-Louis à l’âge de 61 ans. Jusqu’en 1977, elle a été la seule femme au monde récompensée du prix Nobel de médecine. Il faut savoir que Gerty et Carl Cori ont longtemps été ignorés dans leur pays natal, le régime communiste tchécoslovaque ayant toujours refusé qu’on évoque ces chercheurs. Ce n’est qu’en 1997, année du 50e anniversaire de leur attribution du prix Nobel, qu’a été organisé à Prague un séminaire sur ces seuls lauréats tchèques du prix Nobel de médecine. À cette occasion, leur fils Carl Thomas Cori, venu des États-Unis, a pu pour la première fois visiter les maisons natales de ses parents. Il a rencontré Pavel Cech, chef du Cabinet d’histoire de la médecine de l’Université Charles, qui a sorti des archives des témoignages sur ses célèbres parents. 

Il avait reconstitué leurs traces sur base de témoignages dans des écoles, des synagogues, des maisons de proches et ancêtres et leurs maisons natales. En 2007, un séminaire s’est tenu à l’Université Charles de Prague pour rappeler l’œuvre et la vie de ces scientifiques. 

Aujourd’hui, les choses ont changé. Des plaques commémoratives ont été placées sur leurs maisons natales, dans la Nouvelle-Ville de Prague. Un cratère lunaire et un astéroïde portent le nom de Cori. Sur le St. Louis Walk of Fame, dans le Delma Loop, un quartier dynamique et historique de Saint-Louis, une étoile porte leur nom. Cet honneur reconnaît les immenses contributions du couple aux avancées scientifiques dans le domaine de la biochimie.

Femme déterminée et passionnée, Gerty Cori a toujours refusé d’être freinée par les règles de discrimination sexuelle et de népotisme de son époque. Malgré les obstacles rencontrés, elle n’a jamais renoncé à son intérêt de toujours pour la recherche médicale. Ses découvertes sur le rôle des enzymes dans le métabolisme ont révolutionné le domaine de la biochimie. Elles continuent d’être une source d’inspiration pour les jeunes femmes scientifiques d’aujourd’hui.

 
 

Carte d’identité

Naissance 

15 août 1896, Prague (royaume de Bohême, empire austro-hongrois)

Décès

26 octobre 1957, Saint-Louis (Missouri, USA)

Nationalité

Austro-hongroise,
Tchèque, Américaine (dès 1928)

Situation familiale

Mariée, 1 fils