Qui est-ce?

Hedy LAMARR

Jacqueline Remits •  jacqueline.remits@skynet.be

© The Hollywood Archive

  

Je suis…

Née Hedwig Eva Maria Kiesler à Vienne, d’un père banquier et d’une mère pianiste issue d’une grande famille de Budapest. Enfant unique, choyée par mes parents, je suis éduquée par des précepteurs à domicile avant d’intégrer une école de bonnes manières. Dès mon plus jeune âge, je m’intéresse à la mécanique et aux sciences, mais je rêve surtout de célébrité. À 16 ans, des rêves plein la tête, je vais me présenter dans plusieurs studios de cinéma, à Vienne, et commence à tourner dans de petits films muets, autrichiens et allemands. En 1932, je pars tenter ma chance à Berlin. La même année, j’y rencontre et épouse un riche fabricant d’armes et de munitions autrichien, Friedrich Mandl. Dans nos salons, nous recevons des ingénieurs en armement, mais aussi Hitler et Mussolini. Tout en jouant le rôle de parfaite maîtresse de maison, je ne perds pas une miette des conversations et je récolte de précieuses informations sur l’ingénierie militaire allemande. Je prends connaissance des technologies de différentes armes, dont celles de systèmes de contrôle et de guidage de torpilles. Ces secrets militaires et industriels vont m’aider à préparer mon évasion. Comme je le raconte dans mon autobiographie Ecstasy and Me, «l’Europe, au centre du monde, était un chaudron d’intrigues. La guerre était dans l’air. Mandl était dans son élément. Et moi, dans mon petit monde. Je voulais m’enfuir.» Je trouve le moyen de m’échapper en me déguisant en gouvernante. Arrivée à Paris, j’obtiens le divorce. Je déménage alors à Londres, où je fais la connaissance de Louis Mayer, le patron de la MGM, qui me propose un contrat et un nouveau nom, Hedy Lamarr. J’enchaîne les succès au cinéma. 

   

À cette époque…

En 1932, l’année de mon 1er mariage, les élections allemandes donnent une éclatante victoire au parti national-socialiste qui devient la première force politique du pays. Le 30 janvier 1933, Hitler devient le chancelier du Reich et a la charge de former un nouveau gouvernement. En 1941, quand je dépose le brevet de mon invention, le Reich attaque l’Union soviétique, les blindés allemands déferlent dans les plaines du pays, brûlent les fermes sur leur passage forçant leurs occupants à fuir. La même année, en Allemagne, les Juifs doivent dorénavant porter une étoile jaune. En décembre, le Japon est attaqué à Pearl ­Harbour. En août 1942, quand mon brevet est enregistré, les Allemands massacrent les Canadiens lors du raid sur Dieppe. En septembre, le siège de Stalingrad commence et 2 mois plus tard, les Allemands sont pris au piège de l’hiver russe. 

   

J’ai découvert…

Et mis au point une invention révolutionnaire dans la transmission des signaux. Lors d’une soirée à Hollywood, je rencontre le compositeur d’avant-garde George Antheil. Nous nous revoyons pour échanger sur l’armement, une industrie que j’ai côtoyée lors de mon premier mariage, tandis que George a travaillé comme inspecteur des munitions aux États-Unis. Nous discutons des techniques de transmission radio avec les torpilles qui, à l’époque, n’étaient pas encore téléguidées. Le signal étant alors sur une seule fréquence, il pouvait être facilement brouillé ou intercepté. Nous réfléchissons à une nouvelle technique qui permettrait un téléguidage plus sécurisé. En nous informant auprès d’un professeur en électronique de Los Angeles, l’idée nous vient d’envoyer le signal sur plusieurs bandes de fréquences entre l’émetteur et le receveur. Nous mettons au point une technique dite «d’étalement de spectre» qui émet l’information, non pas sur une, mais sur 88 fréquences, le nombre de touches du clavier d’un piano. La séquence d’émission est pseudo-aléatoire et reconnue par le récepteur qui la reconstitue. Ce système secret de communication est applicable aux torpilles anti sous-marins radioguidées. Notre innovation vise à permettre aux radios des navires de guerre américains de ne pas être brouillées par les bateaux allemands.

Pour aider les Alliés dans leur effort de guerre, nous proposons notre invention à une association d’inventeurs, le National Inventors Council. Nous décidons aussi de déposer le brevet, intitulé Secret communication system, le 10 juin 1941. Enregistré le 11 août 1942, il décrit un système de variation simultanée des fréquences de l’émetteur et du récepteur selon le même code enregistré. Sensibles à l’effort de guerre, nous rendons cette invention immédiatement libre de droits pour l’Armée américaine. Malheureusement, peut-être trop novatrice, elle ne sera pas exploitée et ce, bien que la Marine américaine ait eu, dans les années 1950, un projet de détection de sous-marins par avions utilisant cette technique. Le procédé sera utilisé officiellement pour la première fois par l’Armée américaine pendant la guerre du Vietnam (1955-1975)et dans la crise des missiles de Cuba (1962). Il faudra attendre 1976 pour que notre découverte cesse d’être un secret d’État et trouve des applications, notamment dans les télécommunications. Lorsque le brevet tombe dans le domaine public, le dispositif est également utilisé par les constructeurs de matériels de transmission, en particulier depuis les années 1980. Ce n’est qu’à la fin de ma vie qu’il servira à mettre au point et sécuriser les techniques de base des signaux Wi-Fi, le Bluetooth ou la géolocalisation par satellite, le fameux GPS ! J’ai longtemps été ignorée pour ma contribution majeure à ces technologies, alors que la plupart des téléphones portables mettent à profit les principes de cette invention.

Saviez-vous que…

À travers ces technologies, Hedy Lamarr existe encore dans les esprits d’aujourd’hui. Sa carrière en tant qu’actrice et productrice s’est achevée en 1957 et lui vaut d’avoir son étoile sur le Walk of Fame à Hollywood. En 1997, elle a reçu le Prix des pionniers de l’Electronic Frontier Foundation. En 2014, à titre posthume, Hedy Lamarr et George Antheil ont été admis au National Inventors Hall of Fame.

Dans son autobiographie Ecstasy and me, si elle ne cache rien de sa vie à Hollywood, de ses hauts et ses bas, ses 6 mariages, ses aventures et ses 2 enfants, Anthony et Denise, avec lesquels elle a entretenu des relations difficiles, elle ne dit rien, en revanche, de son goût pour les sciences. En 2016, un ancien journaliste du magazine Forbes a retrouvé plusieurs cassettes d’un entretien datant de 1990, dans lequel elle disait: «Peut-être que je viens d’une autre planète, qui sait ? Mais quoiqu’il en soit, les inventions, c’est facile pour moi.»

Véritable génie scientifique, Hedy Lamarr a fait l’objet d’un documentaire retraçant son incroyable carrière. Réalisé par la scénariste américaine Alexandra Dean, «Hedy Lamar: From Extase to Wi-Fi» retrace le parcours inédit de cette Autrichienne juive qui a conquis Hollywood tout en inventant l’ancêtre du GPS et du Wi-Fi. Depuis, un nouveau documentaire a été diffusé en 2018, Bombshell: The Hedy Lamarr Story, mettant en valeur ses prouesses scientifiques.

En 2018, Hedy Lamarr a gagné, dans son pays d’origine, une reconnaissance posthume pour ses prouesses scientifiques. La ville de Vienne, dont elle était originaire, lui a rendu hommage avec la création d’un prix de l’innovation portant son nom, le Prix Hedy Lamarr, qui récompense un projet innovant porté par une femme dans le secteur des nouvelles technologies. D’un montant de 10 000 euros, il met désormais en valeur des «Autrichiennes exceptionnelles qui, comme Hedy Lamarr, façonnent le monde numérique de demain». Pour la reconnaissance aussi, mieux vaut tard que jamais.

Le nouveau documentaire: Bombshell: The Hedy Lamarr Story, qui met en valeur ses prouesses scientifiques.


Naissance 

9 novembre 1914, Vienne (Autriche)

Décès

19 janvier 2000, Casselberry, Floride (États-Unis)

Nationalité

Américaine Autrichienne

Situation familiale 

Mariée et divorcée 6 fois, 2 enfants


Profession

actrice, inventrice

Diplôme 

Sciences de l’Université d’État de Virginie-Occidentale

Champs de recherche 

transmission des signaux

Distinctions 

Prix des Pionniers de l’Electronic Frontier Foundation (1997)

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