Biologie

Bio News

Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

Antlered Acres, ©SciePro – stock.adobe.com, ©revers_jr – stock.adobe.com, ©Grandbrothers – stock.adobe.com

 

Cerf David

Le père Armand David était un missionnaire français qui, en poste en Chine dans la seconde moitié du 19e siècle, eut la chance d’observer un ruminant inconnu à l’époque chez nous. Il en existait une population unique, gardée en captivité dans un parc sous surveillance armée, dont il était interdit de s’approcher. Le religieux a tout de même pu obtenir une dépouille, puis un squelette qu’il a envoyés en Angleterre pour être analysés. Bien lui en prit pour sa postérité puisque depuis lors, ce cerf (Elaphurus davidianus) porte son nom. 

La suite est pour le moins particulière. Connu dès ce moment de la classe scientifique internationale au moins, ce beau cerf de taille moyenne (1,2 m au garrot et moins de 200 kg) a rapidement fait l’objet de demandes d’acquisition et quelques couples ont été envoyés en Europe. Tous n’ont pas survécu mais l’option a été salutaire pour l’espèce puisque dès le début du 20e siècle, les seuls cerfs de David résiduels étaient tous européens. Et la colonie chinoise ? Décimée d’abord par une inondation, puis consommée ensuite pas les soldats japonais et européens pendant la guerre des Boxers en 1900. En 1912, les 18 sujets survivants de l’espèce ont été réunis chez le duc de Bedford, où ils se sont heureusement reproduits. En 1956, les premiers exemplaires étaient restitués à la Chine d’origine, avant 38 autres dans le courant des années 80. Et aujourd’hui ? On évalue la population totale à 8 000 têtes environ, dont 2 420 sur le seul territoire chinois. Il s’agirait de la plus belle réussite de sauvetage et de réintroduction d’espèce dont on peut tracer précisément l’histoire sur un peu plus d’un siècle.

Tout n’est pas gagné pour autant. Non seulement les exemplaires chinois n’ont-ils à leur disposition que des territoires réduits mais, tous issus de quelques individus croisés il y a un siècle, ils manquent sérieusement de diversité génétique, ce qui leur vaut une consanguinité assez élevée qui peut se traduire par une incidence tout aussi élevée de pathologies diverses. La solution tient à une coordination des croisements possibles entre des mâles et femelles chinois avec des individus détenus dans des parcs animaliers du monde entier. Simple en principe, mais apparemment complexe en raison d’un manque de réelle volonté de coopération à ce niveau, en plus de dispositions sanitaires différentes d’un pays à l’autre. Le cerf de David est donc sauvé et bien sauvé. Est-il pour autant définitivement à l’abri des vicissitudes liées à son manque de diversité génétique ? C’est ce que l’avenir devrait nous apprendre.

   Science, 2021, 371: 685

Existe-t-il de faux vrais jumeaux ?

Des jumeaux issus de la segmentation d’un même ovule fécondé sont dits «vrais» ou monozygotiques. Ils sont normalement identiques et c’est ce qui apparaît en première observation. C’est même tellement vrai que, parfois, il est difficile de les différencier, ce qui peut mener les copies conformes à éventuellement en tirer parti en se substituant au besoin l’un à l’autre. D’un point de vue génétique, ils ne peuvent être que totalement identiques puisqu’issus d’un même zygote, cellule primordiale non encore segmentée. Mais est-ce toujours vrai ? Une équipe de généticiens a voulu en avoir le cœur net et a soumis 381 paires de jumeaux vrais et 2 fratries de triplés vrais (cela arrive !) à un examen génomique en règle, afin d’identifier toute différence qui ne serait pas perceptible à l’examen immédiat. On sait que cela est possible et même observé depuis longtemps chez des jumelles et jumeaux séparés de longue date. Dans ce cas, ce sont des contraintes environnementales qui sont responsables des différences observées.

 
Ce que les examens ont mis en évidence, c’est que contre toute attente et aussi semblables qu’ils puissent être, ces jumeaux ou triplés présentent une moyenne de 5,2 mutations acquises très tôt dans leur développement. 15% d’entre eux présentent même ce genre de différence de façon très spécifique par rapport à leur «double» (ou triple). Il a aussi été observé qu’un des jumeaux d’une paire pouvait être issu d’une seule lignée cellulaire ayant précédé la séparation menant à la gémellité. Des jumeaux ont enfin pu être formés de la confluence de plusieurs lignées cellulaires. Bref, 1 fois sur 6 au moins, ce qui se passe lors du développement très précoce n’est pas exactement ce qui est théoriquement attendu. Seul l’examen génomique est en mesure de démontrer cette réalité qui a jusqu’ici échappé à l’observation externe. Et sans doute y a-t-il encore bien d’autres surprises à débusquer !

Nat. Genet., 2021; 53(1): 27-34