Espace

Eaux de surface : en quoi SWOT peut-il changer la donne ?

Fleur Olagnier • fleur.olagnier@gmail.com 

NASA, SWOT/NASA, NASA

Son lancement est prévu courant décembre. Il devrait bousculer notre connaissance du cycle de l’eau sur Terre… Le satellite d’observation SWOT a été développé par le Cnes et la Nasa pour sonder pas moins de 90% des eaux de surface de notre planète. Cet altimètre de précision va mesurer le niveau des lacs, rivières, fleuves et océans, dans le but de mieux quantifier les ressources en eau devenues critiques et d’améliorer les modèles climatiques. Alors, dans le détail, comment SWOT compte-t-il révolutionner l’hydrologie ?

Il est une science qui peut être qualifiée de vitale de nos jours plus que jamais: l’hydrologie. La discipline regroupe à la fois hydrologie continentale et océanographie. La compréhension du cycle de l’eau sur Terre, et en particulier des échanges entre la mer, l’atmosphère, la surface de notre planète et le sous-sol, est cruciale dans la gestion des ressources en eau, d’autant plus au vu du changement climatique.

C’est pourquoi le Centre national d’études spatiales français (Cnes) et l’agence spatiale américaine (Nasa) collaborent depuis 2014 au développement de la mission Surface Water Ocean Topography ou SWOT. Ce satellite d’observation de la Terre, dont le lancement est prévu ce mois de décembre, est le dernier né d’un programme d’altimétrie satellitaire démarré dans les années 1980. L’objectif de ce programme, et plus particulièrement de SWOT ? Mesurer niveau, largeur et pente d’eau des lacs et cours d’eau, estimer le débit des principales rivières qu’ils forment, et déterminer de manière très précise et à fine échelle le niveau et les courants des océans. 

1. La technologie avancée à large bande de SWOT permet d’améliorer les mesures de la
topographie des océans et des eaux de surface.

2. Le faisceau d’observation du satellite SWOT

«Boucher les trous»

Les satellites d’altimétrie TOPEX/Poseidon, Jason, Sentinel 6, SARAL/AltiKa ou encore Haiyang enregistrent depuis plus de 30 ans des séries de données sur le niveau de la mer et des cours d’eau. «Chacun de ces satellites a une couverture spatiale et temporelle différente. En moyenne, 10 jours sont nécessaires pour passer en revue la totalité du globe, mais avec des « trous » parfois de plusieurs centaines de kilomètres entre les traces au sol de chaque satellite», décrypte Rosemary Morrow, enseignante-chercheure, physicienne au Conseil National des Astronomes et Physiciens français (CNAP) et responsable SWOT pour les compétences océanographiques. «SWOT complètera ces données avec une résolution spatiale fabuleuse. Au lieu d’extrapoler les « trous » par des calculs, on va venir « boucher ces trous » avec de vraies mesures».

Une fois SWOT en orbite, il faudra environ 20 jours au satellite et à ses prédécesseurs pour couvrir la totalité du globe (lacs, rivières, fleuves, zones côtières, océans), mais cette fois-ci avec une précision inédite. «Avant on ne voyait que les grandes structures à grande échelle. SWOT va nous amener ce qui manque: la variabilité à court terme et sur une plus petite échelle spatiale», appuie Aida Alvera Azcarate, chercheuse à l’Université de Liège en télédétection des océans. Gulf Stream, El Niño… Ces phénomènes bien connus à grande échelle pourront désormais être analysés dans le détail. 

Des terres à l’océan

Grâce à SWOT, les océanographes seront capables d’observer toutes les structures plus petites que 50 km. Il sera ainsi possible d’étudier les marées avec précision et de surveiller les courants et les tourbillons. On trouve des courants et des tourbillons partout à la surface de la Terre et ils ont un impact énorme sur le fonctionnement des océans. «On sera en mesure d’observer des courants de petite échelle qui sont très énergétiques. À ces courants, sont associés des transports horizontaux et verticaux de chaleur, carbone, nutriments, polluants, contaminants, etc. à travers le globe, détaille Nadia Ayoub, chargée de recherche du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) au Laboratoire d’Études en Géophysique et Océanographie Spatiales (LEGOS) à Toulouse, et spécialiste de l’océan côtier. Localiser ces éléments fournira une meilleure compréhension et anticipation du rôle des courants océaniques dans la répartition des écosystèmes. On va pouvoir quantifier les flux d’eau du continent vers l’océan. Ce sera un travail main dans la main des océanographes avec les hydrologues continentaux. En combinant cela avec d’autres données ou des modèles, nous pourrons quantifier les flux de matière, étudier l’érosion et l’évolution des côtes, analyser les pollutions – comme par exemple la dispersion dans l’océan côtier de contaminants apportés par les rivières, tels que les nitrates et phosphates dus aux activités agricoles».

En outre, SWOT rendra possible la mesure précise du dénivelé de la surface de la mer, et le calcul des courants associés à ces pentes. Toutes ces données seront complétées par les mesures d’autres satellites sur la température de l’eau, la couleur de l’eau, les vagues ou encore le vent.