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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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Pêche multicolore ?

Tous les aquariophiles connaissent le Danio rerio, ce petit poisson d’eau douce originaire d’Asie dont la robe striée de noir lui a valu le surnom de poisson zèbre. Il est plutôt rustique, peu onéreux et constitue une bonne option de base pour les amateurs. Ces mêmes caractéristiques ont fait de ce petit vertébré un modèle expérimental aisément accessible pour réaliser des études scientifiques. On en retrouve donc le nom dans nombre de publications.

Entre autres essais de laboratoire, on a tenté et réussi l’intégration, dans le génome de l’animal, de gènes qui codent pour la fluorescence. L’option a fait florès dans les années 90, l’apparition de cette fluorescence sous un rayonnement UV permettant de valider très rapidement une intégration génique réussie. Et c’est comme cela que des Danios se sont retrouvés parés d’une belle fluorescence bleue, verte ou rouge du plus bel effet. De là à leur trouver un intérêt commercial, il n’y avait qu’un pas qui a été vite franchi et le Danio fluorescent a fait place au Glofish – son nom commercial déposé – construit avec les mots anglais glow (luire) et fish (poisson). Moins officiellement, on l’a aussi surnommé Franckenfisk, une appellation dont on perçoit rapidement l’origine. Son succès a mené à la création de fermes d’élevage au Brésil pour répondre à la demande. Jusque-là, rien à redire, sauf que les opérations de vidange des bassins ont permis à quelques-uns de ces produits de la technologie du gène de se retrouver dans l’environnement… où on les a rapidement et facilement identifiés.

Une problématique nouvelle est donc ouverte et anime le landerneau écologique: comment cette première espèce transgénique libérée en espace ouvert va-t-elle se comporter ? Déjà, on sait qu’elle se reproduit plutôt bien puisque des pêches sélectives l’ont identifiée dans plusieurs bassins du réseau de surface au Brésil. Ce Danio-là, issu des laboratoires, semble plus fécond et plus résistant que son ancêtre sauvage. Risque-t-il de supplanter localement les espèces natives qui occupent la même niche ou, compte-tenu de sa visibilité accentuée, risque-t-il de devenir une proie facile pour nombre de nouveaux prédateurs ? Ce sont des questions auxquelles les études locales en cours devraient assez rapidement apporter une réponse. Il n’y a pas (encore ?) forcément péril. Mais on sait aussi qu’à titre préventif, plusieurs États américains du sud ont déjà interdit la vente du Glofish.

   Science, 2022; 375: 704-705

Pourquoi les lézards se débarrassent-ils de  leur queue ? 

On sait que les lézards entre autres sont capables de se débarrasser de leur queue, voire d’un membre, quand un prédateur l’a saisi. Résultat: le premier peut en profiter pour se sauver quand l’autre se demande ce qui lui arrive, avec un morceau encore mobile de ce qu’il convoitait dans sa gueule. Longtemps, on a pensé qu’il devait exister une zone structurelle de moindre adhérence qui, sous l’effet d’une traction, permettait la séparation en 2 morceaux. Sur le fond, cela reste vrai, mais c’est un peu plus compliqué que cela. Et puis cela n’explique pas pourquoi cette séparation ne survient qu’en cas d’attaque et pas dans la vie courante de l’animal (comme lors d’un mouvement un peu violent ou une traction fortuite). Une étude anatomique ciblée a fait le point sur cette disposition: la surface de séparation est en réalité assez complexe, avec des structures progressives associées qui vont de quelques centaines de microns (ou dixièmes de millimètres) à quelques nanomètres (milliardièmes de mètre). Les structures les plus grosses sont du type «plug & socket» (genre prise mâle–prise femelle). Si on porte son attention sur ce qui compte pour la partie «mâle» qualifiée, vu sa forme de champignon, on note que sa surface est faite de petites structures cylindriques (les piliers) dont la partie supérieure est microporeuse. C’est à ce niveau très ténu que se passe l’adhésion la plus fine, répétée un nombre considérable de fois sur toute la surface de séparation. Lorsqu’une traction inhabituelle sur la queue ou le membre survient, une réaction en chaîne est enclenchée qui se transmet comme une traînée de poudre à la zone, menant à la libération immédiate de l’organe ou la patte. Ces structures rappellent celles des geckos, des batraciens et des insectes pour se mouvoir sur des surfaces lisses et verticales comme le verre; les dispositifs étant ici mis à profit pour adhérer avec le concours d’une libération de fluide par les micropores. Il est vraisemblable que le mécanisme de séparation ne repose pas que sur des dispositifs de type «physique», mais que des enzymes ou des substances d’une autre nature soient également impliquées. C’est sans doute ce que des études additionnelles s’appliqueront à mettre en évidence.

   Science, 2022; 375: 721-722 et 770-774