Physique

Tout est (il ?) quantique

Henri DUPUIS • dupuis.h@belgacom.net

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C’est (re)devenu une mode, notamment en matière de santé: tout est quantique, le quantique nous fait du bien. Pauvre physique quantique, que de crimes on commet en ton nom…

Équation de Schrödinger qui décrit l’évolution d’un système quantique au cours du temps.

Quand, au tout début du 20e siècle, Albert Einstein publie sa théorie de la relativité restreinte, il ne faut pas attendre longtemps pour qu’une expression fasse florès dans les salons et la presse: «Tout est relatif !». On devine l’aphorisme asséné d’un air de certitude…. absolue, ne souffrant aucune contradiction. Peut-être est-ce le cas en philosophie, mais relier cette certitude au monde de la physique constitue une jolie contradiction et une méconnaissance – oserait-on écrire absolue – des travaux d’Einstein. La théorie de la relativité est en effet une théorie des invariants, de l’absolu puisqu’elle identifie ce qui ne varie pas quand on change de référentiel. Ainsi, si chaque observateur est doté d’un temps propre au référentiel dans lequel il se trouve (en cela, le temps n’est plus absolu, on change de temps propre quand on change de référentiel), Einstein identifie un absolu, la vitesse de la lumière qui, elle, n’est pas modifiée par un changement de référentiel. Face au mésusage du terme relativité, Einstein aurait d’ailleurs regretté son emploi et tenté de renommer sa théorie «théorie des invariants».

Une expression voisine aurait pu avoir le même succès à la même époque mais cela ne semble pas avoir été le cas: «Tout est quantique». La physique quantique a en effet peu ou prou été édifiée en même temps que la relativité, dans ce premier quart du 20e siècle qui a connu un bouleversement complet de la physique. Pourtant, sauf erreur, on ne s’écriait pas «Tout est quantique» à l’époque. Un retard rattrapé aujourd’hui, particulièrement dans le domaine du bien-être. Spécialistes en thérapie ou soins quantiques ont pignon sur rue. On en veut pour preuve l’annonce, en ce début d’année 2024, par un grand parfumeur français (Guerlain) du lancement d’une crème capable de «restaurer la lumière quantique d’une cellule jeune à l’échelle de l’infiniment petit pour amplifier la réjuvénation visible de la peau» (sic). Annonce qui a suscité de nombreuses réactions de scientifiques, au point de forcer Guerlain à modifier certains termes de sa publicité. À ce propos, on pourra regarder avec profit une vidéo de G Milgram, un youtubeur spécialisé dans la dénonciation du «faux quantique» (1).

L’idée n’est pas de se prononcer ici sur l’efficacité du produit ou de sa campagne marketing, moins encore sur son prix (faramineux !) ou le pourquoi de cette mode du recours au mot quantique, mais de rappeler ce que cela signifie en physique.