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Jean-Michel DEBRY • j.m.debry@skynet.be

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La couleur des pétunias

Si la diversité de formes et de coloris est une aptitude dont les fleurs savent faire un usage immodéré – avec l’aide très appuyée d’obtenteurs avisés – les pétunias ne sont pas en reste, que ce soit dans les coloris ou dans la disposition qu’ils prennent sur les 5 pétales de leurs corolles.

Si ces plantes herbacées trouvent une place de choix dans nos jardinières, l’origine de la plante est sud-américaine. Même sur son terroir d’origine, elle trouve déjà une diversité de coloris qui, depuis longtemps, l’a fait se distinguer. On peut s’arrêter à l’aspect esthétique de ces Solanacées, on peut aussi chercher à quelle disposition naturelle elles doivent la richesse de leurs coloris. C’est bien entendu une question que des généticiens n’ont pas manqué de se poser. Objet de leur étude très spécifique: le Petunia excerta, qui arbore une couleur uniforme d’un rouge intense et puissant. Or, on sait l’espèce dérivée d’un ancêtre incolore. L’examen minutieux tant du génome de ces variants que de son expression est ce qui était de nature à expliquer l’apparition de coloris nouveaux, souvent d’occurrence spontanée.

Ce que les chercheurs ont identifié, ce sont des mutations affectant la biosynthèse de l’anthocyanine, un pigment universel dans le monde végétal que l’on retrouve aussi bien dans les jeunes pousse des rosiers, que dans le hêtre pourpre, la cerise, la prune et le raisin noir. La couleur rouge du pétunia dépend en particulier de l’expression d’une autre substance, de la famille des delphinidines, des composés qui tendent plutôt à exprimer le bleu-violet. Or, une altération chimique de ces substances (une dihydroxylation, pour tout dire) les rend moins actives, et le rouge peut alors pleinement s’exprimer. C’est donc plutôt par défaut que le rouge puissant a pris le dessus. Un défaut qui, dans ce cas, prendrait des allures de qualité !

La beauté et l’éclat des couleurs, quand on prend la peine d’en rechercher l’origine, ramènent à la génétique et à la chimie. On en sait, du coup, un peu plus sur les processus en cause, mais on y perd aussi un peu dans le registre de la poésie. Cela n’enlève rien à l’attrait floral. Quant aux obtenteurs avisés, ils sauront probablement tirer quelque parti de la découverte.

   Plant Cell 10.1093/plcell/koab114 2021

Peut-on supprimer  une cellule  sénéscente ?

La glutamine pourrait être une clé. C’est un des acides aminés qui non seulement contribue à l’élaboration des protéines qui nous structurent, mais intervient aussi dans nombre de fonctions à effet direct ou indirect pour notre métabolisme. La récupération après un effort physique intense et prolongé par exemple, ce qui amène parfois les grands sportifs, les culturistes, à en consommer sous forme de compléments alimentaires. La glutamine est également connue depuis longtemps pour son effet favorable sur l’entretien et la multiplication des cellules. Tous les milieux de culture utilisés en laboratoire pour en assurer la prolifération en contiennent en bonne proportion.  Du coup, des études sont régulièrement menées pour en valider les effets et tenter de «ralentir des ans l’irréparable outrage».

Or, notre unité fonctionnelle de base est précisément la cellule et la cellule vieillit. Passé un certain stade, elle entre en sénescence. Cela ne signifie pas sa fin prochaine, mais la réduction d’efficacité de fonctions parfois essentielles. C’est dans cet état en particulier que des processus régulateurs peuvent dysfonctionner, laissant libre cours à des dérapages divers, parfois tumoraux. Une des parades contre cet état ? La sénolyse: la suppression les cellules sénescentes. Dans un même tissu, tous les composants ne sont pas au même stade d’évolution. Une cellule de moins peut donc être remplacée par une autre, à partir d’une cellule-souche proximale si elle est présente.

Une alternative à ce vieillissement pourrait bien tenir à la glutamine… Une administration de glutaminase1, l’enzyme qui la transforme en glutamate et ammoniac, pourrait en effet aider à accroître la sénolyse mais aussi à réduire l’acidification des cellules vieillissantes. La voie est actuellement explorée chez la souris, bien qu’il paraisse évident qu’un traitement ralentisseur du vieillissement cellulaire ne soit pas aussi simple. Et puis il existe d’autres voies métaboliques également à l’étude pour réduire les effets inadéquats de ces cellules sénescentes, voire de les faire disparaître, tout simplement. Si l’on y parvient et quelle que soit la méthode, elle aura toutefois ses limites: quand il ne restera plus que ce type de cellule vieillissante inapte à se diviser encore, il faudra bien composer avec elle. Jusqu’à usure finale.

   Science, 2021; 371: 285-286 et 265-269

Capside sur mesure

On le sait, les virus ne sont pas des cellules; ils ne sont composés que de matériel nucléaire – l’équivalent d’un noyau – inclus dans une enveloppe protéique, la capside. Pour se multiplier, le virus doit donc intégrer une cellule vivante dont elle détourne toute la machinerie interne à son seul profit, menant son hôte à sa perte. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que les mêmes virus peuvent être détournés de leur finalité pathogène par la technologie biomédicale, lorsqu’il s’agit d’intégrer à des cellules un élément qui lui fait défaut, comme la copie normale d’un gène. Ce détournement à des fins utiles des aptitudes invasives du virus n’est pas neuve et a même, avec le temps, déjà permis quelques traitements efficaces.

Il reste néanmoins 2 limites à la méthode. La première est qu’il faut être certain que le virus utilisé est bien dépourvu de son propre matériel nucléaire afin de le rendre sans danger dans le cadre d’un essai thérapeutique. La seconde est que quel que soit le type de virus utilisé, la capside a une capacité limitée. Ce que cette enveloppe a habituellement à contenir et à insérer dans les cellules infectées est le plus souvent peu volumineux, ne contenant que les informations nécessaires pour pénétrer les cellules et prendre les commandes de leur fonctionnement. Cette capacité réduite devient problématique lorsqu’il est par exemple question d’intégrer à des cellules, pour les modifier, une séquence génique complexe. D’où l’idée logique de fabriquer, sur mesure, des capsides artificielles dotées d’une capacité en relation avec le matériel à y embarquer.

Une équipe de chercheurs a réussi ce challenge. Il lui a d’abord fallu sélectionner une protéine extraite de capsides virales, susceptible de s’amalgamer en grand nombre et ensuite de trouver le montage enzymatique capable d’unir des molécules isolées pour en faire un contenant de volume suffisant. Le résultat: une capside artificielle faite de 240 unités protéiques, dotée d’un volume en rapport et néanmoins capable d’intégrer des cellules.

Cela prend pour le moment l’allure d’une simple réalisation technique. Mais l’on pressent que ce succès est appelé à permettre des réalisations que les chercheurs en biologie du gène attendent depuis longtemps. Ils vont dorénavant pouvoir penser à passer du projet à la réalisation. Si c’est la santé qui est en bout de ligne, et en particulier la correction d’anomalies génétiques, on a tout lieu de s’en réjouir. 

   Science, 2021; 372: 1162 et 1220-1124

Extraire les capsides n’est possible que par des manœuvres sélectives en laboratoire

Les petites cellules qui  montent…

Pendant longtemps, on n’a retenu du cerveau que les neurones, ces cellules jugées nobles puisqu’étroitement impliquées dans les fonctions aussi diverses que la cognition, la mémoire, le contrôle du mouvement pour ne citer que celles-là. Toutes les cellules qui les entourent ou les préservent, reprises sous l’appellation générique de «glie», ont été renvoyées à un rôle jugé secondaire: celui de soutien. Leur nom lui-même en est le révélateur: glie est hérité du grec gloios qui signifie «colle» et qui a donné «glu» en français.

Depuis un certain temps déjà, on s’est rendu compte que ces cellules de types divers ont d’autres fonctions que celles de soutien et de remplissage. Par les liens moléculaires étroits qu’elles entretiennent avec leurs proches voisins neuronaux, elles conditionnent aussi le bon fonctionnement de ceux-ci, ou participent à leur mauvais fonctionnement dans les cerveaux pathologiques ou vieillissants. D’où l’idée de plus en plus appuyée, aujourd’hui, de faire reposer sur ces cellules in vitro puis in vivo des expériences diverses permettant de mesurer les effets de médicaments ou autres traitements spécifiques à la fonction cérébrale, pour en connaître plus en profondeur les fonctions souvent ignorées. Afin de les exploiter ensuite, bien sûr, toujours dans un registre thérapeutique. Un des domaines qui fait l’objet d’approches très circonstanciées est celui de la maladie de Parkinson.

Cette pathologie souvent associée à un âge avancé est progressive et jusqu’ici sans remède autre que compensatoire. Elle tient comme on le sait à la perte progressive des neurones producteurs de dopamine, un neuromédiateur clé dans plusieurs fonctions essentielles, dont la coordination neuromusculaire. Puisque les cellules qui produisent cet important signal sont engagées dans une voie métabolique anormale qui les mène à disparaître, pourquoi ne pas «dresser» les cellules qui en sont les plus proches à en corriger l’anomalie ? À en faire, en quelque sorte, les réparatrices proximales ? Cela permettrait, sinon d’enrayer le processus dégénératif, au moins d’en corriger les effets.

C’est précisément une des nombreuses voies de recherche engagées dans ce domaine. Elle porte, pour le moment encore, sur des modèles murins, mais il semblerait que certaines alternatives en soient arrivées à un stade préclinique, voire clinique; donc sur la voie d’une application aux malades humains. Un des modèles prometteurs est celui qui a consisté à «reprogrammer» des astrocytes (un des types de cellules gliales) pour en faire des néo-producteurs de dopamine. On pressent qu’une modification génétique est opérée sur des cellules prélevées sur un malade, multipliées in vitro avant leur réinjection dans le cerveau. Cela paraît audacieux mais bien dans l’air du temps, en particulier depuis l’émergence de techniques précises d’intégration génique dans l’ADN comme Crispr-Cas9, saluée par le Nobel de médecine et de physiologie 2020.

Comme le proclament les auteures d’un article récent: «Neuroscience: le 21e siècle sera glial». Rien que ça, serait-on tenté de dire. Mais si c’est pour la bonne cause thérapeutique en matière de maladie neurodégénérative, on ne demande qu’à le voir ! 

   Médecine/science, 2021; 37: 59-67

 
Petits, petits plastiques

Si les matières plastiques sont synthétisées pour avoir une vie plutôt longue, elles peuvent aussi, avec le temps, se retrouver dans des endroits où on ne les attend pas: dans les campagnes, emportées par le vent, mais surtout dans les mers et océans dont on nous rapporte régulièrement les images des amas en surface et aussi en profondeur. Il s’agit de sachets et autres conditionnements le plus souvent, mais aussi de filets et autres résidus de l’activité maritime. La Belgique n’est sans doute pas neutre dans ce contexte, mais avec ses 62 km de rivage, elle «pèse» peu par rapport à de nombreux autres pays qui ont avec la mer une frontière bien plus conséquente et qui font preuve, dans le respect de l’environnement, d’une relative cécité.

Restent les microplastiques dont on nous parle de façon récurrente qui, eux, peuvent affecter tous les organismes, aussi bien maritimes que terrestres. Leur taille ? De 1 à 5 micromètres, soit de l’ordre du millionième de mètre. Or, c’est aussi la taille d’une cellule humaine (3 à 10 micromètres en général) donc on peut légitimement penser qu’elle peut intégrer les particules dont la taille est en rapport avec la sienne après absorption ou inhalation. Qu’y deviennent-elles ? On en sait peu de choses. Affectent-elles le fonctionnement cellulaire ou sont-elles encagées un temps dans des microvésicules où elles sont si possible dégradées avant d’être relarguées via les voies excrétoires ?

L’effet qu’elles peuvent avoir sur les cellules et au-delà, à force de répétition, sur les organismes entiers et leur bonne santé, tient à leur abondance. Les plastiques sont synthétisés pour une fonction à laquelle on les destine et rien, dans le processus de fabrication et de validation, ne prévoit de tests cliniques pour en éprouver les effets sur la santé des êtres vivants en général et des humains en particulier. Outre leur composition chimique, leur structure peut en soi s’avérer dommageable: une microfibre n’a sans doute pas le même effet tissulaire qu’un microgranule sphérique. Ce que l’on sait de la silicose suffit à s’en persuader. Ce qui manque encore pour le moment, ce sont de véritables études à large spectre pour quantifier les effets de différents microplastiques auxquels nous sommes massivement confrontés: résidus de pneus et de conditionnements multiples (bouteilles, raviers, etc.), mais aussi peintures, cosmétiques et traitements divers dont nos vêtements font l’objet. Et tous ceux-là peuvent de surcroît avoir un effet perturbateur endocrinien…

À aucun moment de son histoire, le monde vivant n’a été confronté, comme il l’est depuis moins d’un siècle, à tous ces composés qu’il intègre dans son fonctionnement intime pendant un temps au moins. Jusque-là, seuls les produits de la combustion (fumerons) et les particules minérales (grains, de silice, fibres d’asbeste) pouvaient être suspectés pour leurs effets sur la santé, de façon directe ou synergique. De nombreuses études sont donc nécessaires pour évaluer les effets d’une foule de formes et de matières. Et si on commençait par supprimer celles qui ne sont pas indispensables ? 

   Science, 2021; 371: 672-674

 

BIOZOOM

On pourrait le porter en broche tellement il ressemble à un bijou. Le Charidotella sexpunctata ou Casside dorée ou encore, Scarabée tortue d’or, est un petit coléoptère de 5 à 7 mm vivant sur le continent américain. Grâce à un liquide qui s’étale ou se contracte, cet insecte étonnant change de couleur au gré de ses humeurs. S’il est dérangé par exemple, il perd son aspect brillant et doré. Autre curiosité, les bords de sa carapace sont presque transparents, comme une méduse. Le scarabée hiverne et pond ses œufs au printemps pour vivre tranquillement tout au long de l’été et de l’automne…  

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