Avec 700 000 décès aujourd’hui et probablement plus de 10 millions en 2050, la résistance aux antimicrobiens devient un problème de santé publique important. D’où la multiplication des initiatives en quête de solutions pour contrer ces infections résistantes aux antibiotiques. Parmi les entrepreneurs les plus actifs, on trouve le wallon Vésale Bioscience, nommée start-up la plus innovante d’Europe en Sciences de la vie lors du 10e BioFIT en décembre 2021. Créée en 2018 en tant que spin‑out de Vésale Pharma, Vésale Bioscience se profile comme le spécialiste du développement de solutions microbiotiques et s’attaque aux infections multi-résistantes aux antibiotiques grâce à ses produits de phagothérapie. Ce moyen de lutte biologique, à gros traits, détruit des bactéries pathogènes à l’aide de virus létaux, appelés bactériophages ou phages, qui ne peuvent infecter le patient.
Ainsi, après quelque 700 jours de traitement par antibiotiques pour combattre une infection bactérienne multirésistante contractée suite à des blessures lors des attentats de 2016 à l’aéroport de Bruxelles, une patiente de 30 ans a commencé à vaincre son infection après à peine une semaine de phagothérapie. Pour la petite histoire, à son arrivée à l’hôpital, cette jeune femme présentait de multiples blessures, après réanimation et amputation partielle de l’os iliaque et malgré un traitement par antibiotiques, ses plaies se sont infectées, la bactérie multirésistante Klebsiella pneumoniae empêchant la guérison. D’où le recours à la phagothérapie, menée par Jean-Paul Pirmay, du Laboratoire de technologie moléculaire et cellulaire de l’Hôpital militaire Reine Astrid de Neder-Over-Heembeek et spécialiste des phages. Quelques semaines ont suffi pour que l’état de la patiente s’améliore et que son fémur cassé guérisse. Aujourd’hui, elle marche !
«Le phage se compose d’une tête, qui contient son ADN, d’une queue et d’un système de crochets pour s’arrimer à une bactérie (voir Athena n°354, p. 14). Une fois ancré à celle-ci, il lui injecte son propre ADN tout en la forçant à le reproduire. La multiplication de cet ADN fait alors éclater la bactérie sous l’effet de la pression, relâchant autant de nouveaux phages dans l’organisme», explique Jean-Paul Pirmay. Avec plus d’une centaine de traitements connus, la Belgique est l’un des pays d’Europe les plus avancés en la matière. Si par rapport à ses voisins, elle dispose d’un cadre juridique et réglementaire, la disponibilité de phages d’intérêt et leur production à la demande posent toujours problème. Ce à quoi entend répondre Vésale Bioscience, qui a aussi créé Inteliphages, phagogramme basé sur l’intelligence artificielle pour réaliser et concevoir une thérapie personnalisée en 3h. L’entreprise possède aussi une bibliothèque de phages riche d’une centaine de références. Cette technologie devrait être lancée sur le marché l’année prochaine.