WALL'INNOVE TOUR

Arrêt sur  VÉSALE
BIOSCIENCE

Jacqueline REMITS • jacqueline.remits@skynet.be

jannoon028/Freepik + photomontage , ©Vésale Bioscience

Il était une fois…

Créée en 2018 à Namur, Vésale Bioscience est une spin-out de Vésale Pharma, leader belge en matière de recherche et développement de solutions microbiotiques. «En tant que spécialistes du microbiote, nous nous sommes rendu compte que les chefs d’orchestre de ces microbiotes, quels qu’ils soient, ce sont les phages, commence Jehan Liénart, CEO et fondateur de Vésale Bioscience. Les phages sont, pour le dire en bref, de bons virus. Prédateurs de bactéries, ils sont inoffensifs pour les humains

Société de R&D en phagothérapie, Vésale Bioscience a développé une technologie innovante et prometteuse dans la lutte contre les infections multi-résistantes, notamment en matière de solutions alternatives aux antibiotiques. Les bactériophages comme traitement contre les infections dues aux bactéries existent depuis près d’un siècle. Aujourd’hui, le déclin de l’efficacité des antibiotiques renouvelle l’intérêt des scientifiques pour cette pratique. La phagothérapie conventionnelle repose sur l’utilisation de phages naturels pour infecter et lyser les bactéries. Les phages se fixent aux cellules bactériennes et y injectent leur génome viral. Celui-ci interrompt le cycle de reproduction bactérien et produit à la place des phages supplémentaires qui sont libérés à la fin de chaque cycle viral par une lyse de la cellule bactérienne. De nouvelles infections commencent alors et le processus se multiplie de façon exponentielle. C’est cette infection virale à croissance rapide de la colonie bactérienne qui finira par arrêter l’infection sur laquelle notre propre système immunitaire peut à nouveau prendre le relais et reprendre le contrôle.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la résistance aux antibiotiques représente aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pesant sur la santé mondiale. D’ici quelques années, les résistances aux bactéries dépasseront en mortalité toutes les autres causes, y compris les maladies cardiovasculaires et même les cancers, devenant la première cause de mortalité dans le monde. Si ce n’est pas encore le cas aujourd’hui, la courbe est exponentielle. «Selon le magazine The Lancet, on est aux portes de cette évolution avec d’énormes problèmes, des gens qui meurent, des amputations, de très longs séjours en hôpital, dans le monde entier. La résistance survient lorsque les bactéries évoluent en réponse à l’utilisation des antibiotiques, diminuant ainsi fortement l’efficacité du traitement. Ces bactéries deviennent alors résistantes, pouvant provoquer chez l’être humain ou l’animal des infections plus difficiles à traiter que celles dues aux bactéries non-résistantes.» Toujours selon l’OMS, les coûts économiques de la gestion des patients atteints de bactéries multi-résistantes pourraient représenter un montant de 100 trillions de dollars américains à l’horizon 2050. C’est ce constat qui a amené Vésale Bioscience à voir le jour. L’entreprise emploie actuellement une dizaine de personnes. «Nous comptons également dans notre équipe des experts de renommée mondiale et aussi des personnes de la Défense qui ont permis des avancées majeures dans le développement de la recherche et de la conception du processus de production. Et nous avons déposé tous les brevets nécessaires
 

Selon l’OMS, d’ici quelques années, les résistances aux bactéries dépasseront en mortalité toutes les autres causes, y compris les maladies cardiovasculaires et même les cancers, devenant la première cause de mortalité dans le monde. 

  

  

CARTE D’IDENTITÉ

CRÉATION : 2018

SIÈGE SOCIAL :
rue Louis Allaert, 9,
5310 Éghezée

SECTEUR D’ACTIVITÉS:
Phagothérapie

MEMBRES DE L’ÉQUIPE : une dizaine

CONTACT : 081 56 00 06

 
…l’envie d’innover

Les phages sont très sélectifs dans les souches de bactéries contre lesquelles ils sont efficaces. Il est donc primordial de les sélectionner minutieusement pour qu’ils concordent à l’infection traitée. Ce procédé est chronophage et fastidieux. Vésale Bioscience a donc développé un phagogramme automatique, un outil analytique capable de choisir et propose la meilleure correspondance à une certaine bactérie parmi une large collection de phages. «Notre start-up, qui se situe entre la biotech et la medtech, a développé Inteliphage®, un phagogramme, un appareil utilisant l’intelligence artificielle afin d’obtenir un diagnostic décentralisé, ainsi qu’une thérapie personnalisée, le cocktail parfait qui va éradiquer l’infection.» Quatre ans ont été nécessaires pour mettre au point cette technologie. Celle-ci offre une grande réactivité, donnant un diagnostic en 3 heures au lieu des 3 jours habituels. Les recherches actuelles sur l’utilisation des phages et de leurs protéines lytiques, en particulier contre les infections bactériennes multi-résistantes, suggèrent que la phagothérapie a le potentiel d’être utilisée comme alternative ou comme complément aux traitements antibiotiques. Les phages sont considérés plus efficaces que les antibiotiques pour différents facteurs: leur spécificité, leur innocuité pour l’organisme hôte, mais également pour d’autres bactéries bénéfiques telles que le microbiote intestinal, réduisant ainsi les risques d’infections opportunistes, leur index thérapeutique élevé qui présume peu d’effets secondaires même au-delà du niveau thérapeutique.  La société dispose d’une bibliothèque de phages très importante, 200 références actuellement, afin d’adapter ensuite le traitement du patient. «Et elle devrait passer à plus de 600 dans le courant de cette année.» Cette technologie, aisément reproductible dans les centres spécialisés, apporte une réponse concrète à une problématique mondiale de santé publique.

Depuis 2020, Vésale Bioscience collabore avec l’Armée belge. «Nous avons signé un contrat dans le cadre d’une convention Triple Hélix entre l’industrie, le gouvernement fédéral, la Défense nationale et le monde universitaire. Une première pour un projet de R&D sur la phagothérapie.» Les projets de recherche sont soutenus par Biowin, le pôle de compétitivité wallon des sciences du vivant, et le SPW Recherche. En 2021, l’entreprise a reçu le prix BioFIT de la start-up la plus innovante d’Europe en sciences de la vie, ce qui confirme l’importance de la phagothérapie et l’apport de la technologie de la société wallonne dans la lutte contre les infections multi-résistantes. «Toutes catégories confondues, nous avons obtenu le premier prix, se réjouit Jehan Liénart. Nous sommes au-dessus de la mêlée et très fiers de cette distinction. Elle met en lumière l’extraordinaire travail de notre équipe. C’est assez exceptionnel qu’une entreprise belge gagne le prix européen de l’innovation. C’est une reconnaissance de notre recherche, qui nous encourage à aller de l’avant dans la recherche de solutions aux infections multi-résistantes aux antibiotiques qui constituent un véritable défi en matière de santé publique dans le monde.» Cette nouvelle technologie devrait être mise sur le marché début 2023.
 
 

QUI EST JEHAN LIÉNART, CEO ?

Après des études d’économie à l’Ichec à Bruxelles, cet Ucclois de naissance, wallon de cœur, travaille d’abord pendant une dizaine d’années dans la publicité. En 1998, Jehan Liénart fonde Vésale Pharma, dont il reste le CEO, et introduit le premier probiotique sur le marché belge. Passionné de patrimoine, il achète le château de Noville-sur-Mehaigne en 2001, à 2 pas d’Eghezée, où il installe le siège de son entreprise et où il aime recevoir ses clients chinois, japonais, indiens, américains. En 2011, il dépose le brevet mondial Intelicaps®. En 2018, il crée une filiale de recherche aux États-Unis, Vésale Pharma Probiotics R&D, et fonde, en Belgique, la spin-out Vésale Bioscience. L’année suivante, il lance le projet de recherche collaborative Inteliphage®, labellisé par le Gouvernement wallon. Ce père de 5 enfants est également un féru de musique classique, en particulier de Jean-Sébastien Bach.

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